
Le Kosovo
Capitale: Pristina

Nom officiel: République du Kosovo
Population: 1 859 203 (est. 2014) (rang dans le monde: 150)
Superficie: 10 887 km car.
Système politique: république; le pays a déclaré son indépendance le 17 février 2008
Capitale: Pristina
Monnaie: euro
PIB (per capita): 7 600$ US (est. 2013)
Langues: albanais (langue officielle), serbe (langue officielle), bosniaque, turc, tsigane
Religions: musulmans, orthodoxes serbes, catholiques romains
GÉOGRAPHIE

Cinquante-quatre pays, dont la plupart des pays
occidentaux, ainsi que la Macédoine et le Monténégro, ont reconnu
l'indépendance du Kosovo. Cinq pays membres de l'Union européenne n'ont
pas reconnu cette indépendance : il s'agit de Chypre, de l'Espagne, de
la Grèce, de la Roumanie et de la Slovaquie.
Plusieurs organisations internationales ont
d'importantes responsabilités au Kosovo. La Mission européenne de police
et de justice, EULEX, doit veiller à l'application de la loi dans trois
secteurs, la justice, la police et les douanes. La Mission des Nations
unies au Kosovo, la Minuk, a administré le pays depuis 1999 et a été
reconfigurée en 2008. Enfin, la Force de maintien de la paix au Kosovo,
la KFOR, dispose de quelque 5 000 soldats de l'Otan et a pour mission
d'assurer la sécurité, en particulier dans les régions où les Serbes
sont majoritaires, comme Mitrovica.
HISTOIRE
Les importants vestiges archéologiques (préhistoriques, illyriens, romains, byzantins) qui se trouvent au Kosovo prouvent l'ancienneté de la présence humaine sur ce territoire. Avant la conquête romaine, les Dardaniens, une population probablement apparentée aux Illyriens, habitent les régions correspondant à l'actuel Kosovo. Ils sont progressivement romanisés à partir du iie siècle avant J.-C.1. La terre de plusieurs peuples
Aujourd'hui encore, des Albanais, des Serbes, des Rom (Tsiganes), des Ashkali, des Turcs, des Bochniaques (Slaves musulmans s'exprimant en serbe), des Gorani (Slaves musulmans habitant les montagnes du Šar, entre le Kosovo et la Macédoine, et parlant une langue de la famille macédo-bulgare), des Croates vivent au Kosovo.
Ces communautés ont vécu de longues périodes en paix,
sinon ensemble, du moins en entretenant des relations de bon voisinage.
Dans nombre de villages, l'entraide et la solidarité étaient de mise.
Dans de grandes villes telles que Prizren, des habitants utilisent
encore quotidiennement quatre langues : l'albanais, le serbe, le turc et
le romani. Pourtant, la multiethnicité du Kosovo a été gravement mise à
mal par les conflits du xxe siècle.
Au sein de l'Empire ottoman
qui, jusqu'en 1912, distingue les différentes populations de la Turquie
d'Europe selon des cadres confessionnels et non « nationaux », les
appartenances identitaires sont soumises à nombre d'évolutions et de
basculements. Durant des siècles, les critères d'identifications
communautaires sont moins « nationaux » que socioprofessionnels ou
religieux. Sont ainsi qualifiés de « Turcs » l'ensemble des musulmans de
la Roumélie, la Turquie d'Europe, qu'ils soient albanais, slaves ou d'une autre origine.
Depuis l'introduction au xixe siècle du concept d'État-nation dans les Balkans
et l'émergence de « mythologies nationales », les différentes
populations du Kosovo doivent définir leur appartenance nationale. Dans
le choc entre les nationalismes albanais et serbe, qui revendiquent de
manière exclusive le Kosovo, les « petits peuples » de la région sont
sommés de s'intégrer ou de disparaître. Ainsi, les Bochniaques et les
Gorani qui vivent encore au Kosovo sont la proie d'une « albanisation »
rapide. Pour sa part, Belgrade considère ces populations comme des
« Serbes islamisés ».
2. Des revendications nationales croisées
Afin de s'affranchir de la tutelle ottomane, les États balkaniques affirment progressivement depuis le début du xixe siècle leurs identités nationales. Ces constructions identitaires passent toujours par l'élaboration de « mythologies historiques » opposées à celles des voisins. Elles s'appuient sur l'exhumation de héros « nationaux » et sur l'affirmation de droits « historiques ».2.1. Le « berceau de la nation serbe »
Ainsi, pour Belgrade, le Kosovo est le « berceau de la nation serbe », une terre sacrée où se trouvent les plus prestigieux monastères orthodoxes (la patriarchie de Peć, de Visoki Dečani, de Gračanica …). Les plaines du Kosovo et de Metohija ont été le cœur de la principauté des Nemanjić (xiie-xive siècles). En 1209, l'Église orthodoxe serbe obtient de Constantinople l'autocéphalie. Le siège patriarcal de cette Église est toujours fixé à Peć. En 1346, le prince Dušan Nemanjić se proclame tsar, c'est-à-dire empereur de l'Empire byzantin. Sa capitale est fixée à Prizren. Cet âge d'or prend fin le 28 juin 1389, lorsque le roi Lazare, à la tête d'une armée de princes balkaniques coalisés (parmi lesquels se trouvent aussi des Albanais), se sacrifie pour faire face aux armées ottomanes du sultan Murad Ier (bataille du Kosovo).
Dans le cadre de l'Empire ottoman, le Kosovo forme presque toujours un sandjak, une entité administrative distincte. La longue présence ottomane entraîne un phénomène de conversion à l'islam, qui est cependant plus tardif et progressif qu'en Bosnie : d'importantes vagues de conversions interviennent encore au xixe siècle. Aujourd'hui, environ 5 % des Albanais du Kosovo sont encore catholiques.
2.2. Les Albanais, seul peuple autochtone des Balkans
Contrairement aux Slaves arrivés dans la région aux vie et viie siècles après J.-C., les Albanais affirment être le seul peuple autochtone des Balkans, puisque descendant des Illyriens – une peuplade antique qui a l'avantage d'être mal connue —, ce qui permet toutes les projections identitaires et toutes les appropriations. Les Albanais considèrent également la Ligue de Prizren (1878-1881) – formée pour résister à la cession au Monténégro de territoires peuplés d'Albanais après le congrès de Berlin en 1878 – comme le point de départ de leur mouvement d'affirmation nationale sous l'Empire ottoman.
En 1690, les Serbes, lors de la « Grande Migration »,
fuient massivement le Kosovo pour échapper aux représailles ottomanes
après la défaite serbo-autrichienne de Kačanik, en janvier 1690. Ils se
dirigent vers des terres restées sous contrôle autrichien et se fixent
sur leurs « frontières militaires » (vojne Krajine), une région de Croatie que l'on appelle aujourd'hui la Krajina. Cet événement contribue à réduire drastiquement la présence serbe au Kosovo.
2.3. Une cohabitation millénaire
Les Albanais dénoncent la « colonisation serbe », quand les Serbes évoquent une « invasion » albanaise qui aurait submergé le Kosovo aux xviie et xviiie siècles, renversant la balance démographique. Pourtant, un seul fait paraît incontestable : la présence sur ce territoire de ces deux peuples depuis plus d'un millier d'années. On peut également estimer que Serbes et Albanais pesaient encore d'un poids sensiblement égal aux xviiie et xixe siècles. Encore faut-il souligner que les identités nationales n'étaient pas encore clairement définies à cette époque.3. La « question albanaise » en Yougoslavie
3.1. Au sein du « royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes »
Après la première guerre balkanique et la victoire des troupes serbes, grecques, bulgares et monténégrines face aux armées ottomanes, les grandes puissances (France, Angleterre, Russie, Autriche-Hongrie) accordent l'indépendance à l'Albanie lors de la conférence de Londres (30 mai 1913). Le Kosovo, pourtant déjà très majoritairement albanais, est partagé entre la Serbie et le Monténégro, puis finalement intégré, après la Première Guerre mondiale, au nouveau « royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes ». La province ne connaît aucun développement économique ou éducatif dans l'entre-deux-guerres et est soumise à une politique de colonisation agraire des autorités serbes. Les Albanais approuvent dans leur majorité la constitution d'une « Grande Albanie » sous domination italienne en 1941.3.2. Province autonome au sein de la République de Serbie
Les partisans de Tito sont moins implantés au Kosovo que dans les autres régions qui vont former la République socialiste fédérative de Yougoslavie (RSFY) en 1945. Pourtant, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Kosovo obtient le statut de province autonome au sein de la République de Serbie. Bien que plus nombreux que les Macédoniens ou les Monténégrins au sein de la Yougoslavie, les Albanais ne peuvent prétendre obtenir une République fédérée car le pouvoir yougoslave considère qu'ils disposent déjà d'un foyer national en Albanie.
Cette province jouit de prérogatives politiques et
économiques élargies. Après le limogeage en 1966 d'Aleksandar Ranković,
responsable de la police politique, et l'élaboration d'une nouvelle
Constitution en 1974, la province connaît un fort développement culturel
avec la création d'une université. Priština devient la principale capitale intellectuelle du monde albanais.
3.3. De la crise sociale à la crise politique
En revanche, malgré les apports considérables du Fonds fédéral pour le développement des régions pauvres, principalement alimenté par les républiques les plus riches (la Croatie et la Slovénie), le Kosovo demeure dans une situation de sous-développement chronique. Outre quelques centres industriels comme le combinat minier de Trepča et le complexe thermoélectrique d'Obilić, l'essentiel de la population de la province survit grâce à une agriculture de subsistance et aux contributions financières des travailleurs partis à l'étranger. Dès les années 1960, une forte diaspora albanaise du Kosovo s'établit en Europe occidentale, principalement en Suisse et en Allemagne. La mort de Tito et la crise économique des années 1980 fait basculer le mécontentement social en revendications politiques.
Les manifestations albanaises de 1981, qui réclament
la transformation de la province autonome en République fédérée de la
Yougoslavie, sont réprimées dans le sang par les forces de sécurité
yougoslaves. Tout au long des années 1980, le climat entre les deux
communautés se dégrade. Les Albanais demandent une égalité sociale,
culturelle et politique, tandis que les Serbes dénoncent les pressions
et les violences dont ils sont la cible.
4. Les années Milošević (1987-1999)
4.1. La suppression de l'autonomie du Kosovo
Slobodan Milošević, Monténégrin d'origine et militant zélé du parti communiste, comprend rapidement qu'il a trouvé dans les revendications des Serbes du Kosovo le sujet fédérateur pour assouvir ses ambitions personnelles. Fort du soutien de l'Académie des sciences et des arts de Belgrade, qui dans un Mémorandum dénonce « le génocide physique, politique, juridique et culturel de la population serbe au Kosovo », S. Milošević prononce lors d'une réunion avec les Serbes du Kosovo, le 25 avril 1987, une phrase devenue célèbre depuis : « personne n'a le droit de frapper ce peuple ». Le tabou de l'ère titiste, qui empêchait d'évoquer publiquement l'existence de contentieux nationaux, vient de tomber. S. Milošević peut ensuite se débarrasser de toute opposition en Serbie en évinçant le 14 décembre 1987 son mentor Ivan Stambolić, l'ancien président de la République de Serbie. Ce dernier est accusé de se désintéresser du sort des Serbes du Kosovo.
Le 23 février 1989, l'autonomie du Kosovo est
supprimée, et le Parlement de Serbie annonce triomphalement que la
Serbie est « réunifiée ». Le 28 juin 1989, un million de Serbes
célèbrent le 600e anniversaire de la défaite de Kosovo Polje, sur les lieux mêmes de la bataille, acclamant S. Milošević comme leur nouveau héros.
Progressivement, la censure s'abat sur les journaux
albanais et les licenciements politiques se multiplient. Selon des
statistiques albanaises datant de 1992, sur 189 000 Albanais travaillant
en 1989, 80 000 auraient été licenciés. Les Albanais sont exclus de
l'administration, de la télévision, de l'enseignement, et n'ont plus le
droit d'acheter des terres. Une violente répression policière s'abat sur
la province, les arrestations frappant les élites politiques et
culturelles albanaises. Les dirigeants communistes albanais de la
province, Azem Vllasi et Kaqusha Jashari, sont également mis sur la
touche.
4.2. De la résistance pacifique à la lutte armée
Dans ce contexte troublé, les cercles universitaires et intellectuels de Priština se mobilisent et créent le 23 décembre la Ligue démocratique du Kosovo (LDK), portant à sa tête Ibrahim Rugova, jusqu'alors président de l'Union des écrivains du Kosovo. La LDK développe une stratégie de résistance basée sur une ligne pacifiste et non violente, en créant des institutions parallèles (notamment des écoles clandestines), et dans l'espoir que la communauté internationale se décide à faire pression sur le régime de S. Milošević. Du 26 au 30 septembre 1991, un référendum clandestin proclame l'indépendance de la province. I. Rugova est élu en 1992 président d'une « République de Kosovë », qui n'est reconnue que par la seule l'Albanie.
Cependant, cette politique se révéle rapidement
inefficace. S. Milošević, en signant les accords de paix de Dayton
(paraphés à Paris le 14 décembre 1995) qui mettent un terme à la guerre
de Bosnie-Herzégovine, obtient que les Occidentaux n'évoquent pas la
« question albanaise ». D'autre part, le boycott des institutions ne
perturbe nullement le fonctionnement de l'administration serbe au
Kosovo. Devant le blocage de la situation, apparaissent peu à peu des
groupes opposés à la politique non violente du « président » Rugova,
réclamant par la force l'indépendance de la province.
Dès 1997, les plastiquages et les attaques contre les
forces de police serbes se multiplient et assurent la célébrité d'un
nouveau groupe armé, l'Armée de libération du Kosovo (Ushtria Çlirimtare
e Kosovës, UÇK), créé par un mouvement clandestin implanté surtout dans
la diaspora albanaise, le Mouvement populaire du Kosovo (LPK). Celui-ci
s'oppose de plus en plus ouvertement à la politique du « clan » Rugova
qu'il accuse de lâcheté et de corruption.
Formé par plusieurs groupes d'origines
« envéristes », c'est-à-dire d'inspiration marxiste-léniniste sur le
modèle de l'Albanie d'Enver Hoxha,
le réseau bénéficie, dès l'origine, du soutien financier de
l'importante diaspora albanaise de Suisse et d'Allemagne et de puissants
réseaux en Albanie. En effet, la guerre civile au printemps 1997, qui
suit l'effondrement des sociétés financières de type « pyramidal »,
précipite l'Albanie dans l'anarchie. Durant les émeutes, les casernes et
les dépôts d'armes sont systématiquement pillés, et l'on estime à près
d'un million le nombre d'armes automatiques chinoises qui auraient été
mises en circulation à cette époque. Le nord du pays, bastion de Sali Berisha, l'ancien président albanais contraint à la démission, devient une base arrière pour les militants de l'UÇK du Kosovo.
4.3. L'échec des tentatives diplomatiques occidentales
Après quelques succès initiaux (mars-juin 1998), la guérilla de l'UÇK, faute d'avoir pu maintenir son corridor logistique à travers la frontière albanaise et faute d'une coordination suffisante, est rapidement défaite par l'armée yougoslave, plus professionnelle et infiniment mieux équipée. Mais sous la pression de l'OTAN et de l'émissaire américain dans la région, Richard Holbroocke, S. Milošević finit par s'engager à retirer une partie de ses forces et accepte le déploiement de 2 000 vérificateurs du cessez-le-feu, mandatés par l'OSCE dans le cadre de la Kosovo Verification Mission (KVM).
Devant la menace de nouveaux combats, les Occidentaux
tentent durant les pourparlers de Rambouillet (février-mars 1999)
d'imposer une solution politique, basée sur l'instauration d'une
autonomie substantielle du Kosovo sous contrôle international. Les
propositions occidentales incluent le déploiement de soldats de l'OTAN
au Kosovo, une hypothèse inacceptable pour Belgrade.
Face au blocage des négociations, l'OTAN déclenche
des frappes sur toutes les infrastructures militaires et économiques de
la République fédérale de Yougoslavie. Quelque 850 000 Albanais sont
chassés du Kosovo par les forces de sécurité serbes et trouvent refuge
en Albanie, en Macédoine et au Monténégro. Après soixante-dix huit jours
de bombardements, Belgrade consent enfin au déploiement de forces de
l'OTAN et à la mise de la province sous administration provisoire de
l'ONU.
5. Vers l'indépendance
5.1. Le Kosovo sous protectorat international
Après la signature des accords techniques de Kumanovo le 9 juin 1999, la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations unies décide l'installation d'une Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK), qui instaure de fait un protectorat provisoire sur la province. Malgré la présence sur le terrain de forces de l'OTAN, la KFOR, la moitié des Serbes et des Rom du Kosovo fuient devant le retour des Albanais ou sont victimes d'un violent nettoyage ethnique. Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), en 1999 250 000 non-Albanais quittent le Kosovo, sans espoir de retour jusqu'à présent.
En 2007, la présence serbe au Kosovo est estimée,
selon les sources, entre 80 000 et 160 000 personnes. Les Serbes se
répartissent entre les communes septentrionales de Zubin Potok, Zvečan,
Leposavić et Mitrovica-nord, jouxtant la Serbie, et, au sud de la
rivière Ibar, dans des enclaves peuplées parfois de quelques centaines
de personnes, entourées de barbelés et gardées par les soldats de la
KFOR. Deux sociétés parallèles se sont progressivement mises en place.
Belgrade assure les salaires et les services administratifs dans les
enclaves, alors que les zones albanaises sont sous l'autorité du
gouvernement du Kosovo, lui-même encadré par la MINUK. Le dinar serbe
est encore en vigueur dans les zones serbes, alors que partout ailleurs,
on utilise l'euro. Les Albanais du Kosovo se désignent comme Kosovars,
appellation rejetée par les Serbes et par les autres communautés vivant
au Kosovo (Rom, Turcs, etc.)
Les institutions mises en place par la communauté
internationale prévoient des élections présidentielle et législatives
tous les trois ans. Au sein du Parlement qui compte 120 sièges,
40 députés sont censés représenter les minorités ethniques du Kosovo.
Mais, depuis les émeutes anti-serbes de mars 2004, les députés serbes
boycottent largement les institutions. Aux élections d'octobre 2004, le
taux de participation des Serbes ne dépasse pas 0,3 % des inscrits.
Au niveau économique, la province est toujours dans
une situation catastrophique. Le Kosovo compte la plus jeune population
d'Europe, et la forte croissance démographique jette sur le marché du
travail des jeunes sans qualifications et sans espoir de pouvoir trouver
un jour un emploi. Cette crise économique favorise le travail au noir
– qui permet à de larges pans de la société de survivre –, une large
émigration vers les pays d'Europe occidentale (Allemagne, Suisse,
Belgique), mais aussi le développement de puissants réseaux criminels et
d'une corruption galopante.
Michel Steiner, alors chef de la MINUK, avait fixé en
2003 huit standards à atteindre avant que les discussions sur le statut
final puissent débuter : retour des réfugiés, liberté de circulation
pour tous les résidents du Kosovo, bonne gouvernance, lutte contre le
crime organisé et la corruption, égalité des sexes … Malgré les
déclarations de la communauté internationale, qui, à l'été 2005,
estimait que 70 à 80 % de ces standards avaient été remplis, aucun de
ces objectifs ne semble avoir été véritablement atteint. Aucun retour
significatif des déplacés chassés du Kosovo n'a été constaté, et les
Serbes des enclaves sont toujours privés de liberté de circulation.
Depuis 2000, seuls 15 000 Serbes ont pu revenir au Kosovo, le plus
souvent pour reprendre possession de leurs biens immobiliers afin de les
revendre.
5.2. Des négociations dans l'impasse
À partir du début de l'année 2006, l'ONU organise à Vienne des rencontres entre les délégations serbe et albanaise pour définir un statut pour le Kosovo. Cependant, les positions de Belgrade et de Priština sont incompatibles. : ; les Albanais n'acceptent rien d'autre que l'indépendance.
Les Serbes sont formellement opposés à toute
indépendance et aucun dirigeant serbe ne souhaite prendre le risque
politique de « lâcher » le Kosovo. La nouvelle Constitution serbe
(adoptée par référendum le 29 octobre 2006) définit ce dernier comme
faisant partie intégrante de l'État serbe ; et, selon l'article 114, le
président de la Serbie doit faire le serment de préserver l'intégrité du
Kosovo et Metohija.
Pour les dirigeants albanais, dont une majorité est
issue des rangs de l'UÇK, après huit années de protectorat
international, la présence internationale est de plus en plus mal vécue
et tend à être assimilée à une « occupation coloniale ». Il est temps
d'y mettre un terme et proclamer formellement l'indépendance de la
province.
Au terme de négociations infructueuses, l'envoyé spécial des Nations unies, le Finlandais Martti Ahtisaari,
propose le 2 février 2007 un document qui doit servir de base à une
résolution du Conseil de sécurité des Nations unies. D'après celui-ci,
le Kosovo pourra rédiger sa Constitution, avoir un hymne et un drapeau
et, surtout, adhérer à toutes les organisations internationales, dont
les Nations unies. Dans le même temps, les communes serbes pourront
jouir d'une décentralisation administrative avancée et entretenir des
relations « spéciales » avec la Serbie. La version finale de ce
document, remise le 26 mars au Conseil de sécurité, préconise
explicitement une « indépendance sous contrôle international » pour le
Kosovo.
5.3. L'indépendance unilatérale du Kosovo

Si les rues de Priština sont envahies par une foule
d'Albanais en lliesse, la situation est en revanche beaucoup plus tendue
dans les zones serbes du Kosovo. Belgrade condamne immédiatement cette
« indépendance illégale » et des manifestations de protestation sont
convoquées à Mitrovica Nord et dans la capitale serbe. Les postes
frontières de Jarinje et Gazi Voda, entre le Kosovo et la Serbie, sont
investis et rasés par plusieurs milliers de personnes ; un meeting de
solidarité en faveur des « frères serbes du Kosovo et Metohija »
dégénère à Belgrade ; plusieurs ambassades sont attaquées, dont celle
des États-Unis.
L'indépendance du Kosovo est rapidement reconnue par
la majorité des États de l'UE, à l'exception de cinq d'entre eux :
Chypre, l'Espagne, la Grèce, la Roumanie et la Slovaquie. Dans la
région, la Croatie, la Bulgarie et la Hongrie la reconnaissent dès le
19 mars, suivis par Monténégro et la Macédoine en octobre ; seule la
Bosnie-Herzégovine, en raison du refus catégorique de la Republika
Srpska, l'entité serbe, ne la reconnaît pas. Admis en juin 2009 au Fonds monétaire international (FMI) et à la Banque mondiale,
Kosovo ne peut espérer rejoindre les Nations unies tant que la Chine et
de la Russie, disposant d'un droit de veto, s'opposent à son adhésion.
Par ailleurs, la Serbie reste politiquement et
économiquement présente dans les enclaves, même si les salaires des
fonctionnaires rémunérés par Belgrade ont été sensiblement réduits.
Ainsi, les élections locales et parlementaires serbes de mai 2008 se
déroulent sans violence dans toutes les enclaves, tandis que les Serbes
boycottent massivement les élections municipales organisées en novembre
2009 par les institutions de Priština. L'indépendance du Kosovo a donc
mis fin à un statu quo intenable, mais elle n’a pas encore permis de
rapprocher significativement les différentes communautés. Elle ne clôt
pas non plus la tutelle internationale, effective depuis 1999.
5.4. Une indépendance supervisée
En juin 2008, à la veille de l'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution du Kosovo, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, adresse aux dirigeants serbes et albanais des lettres qui ouvrent la voie à un déploiement de la mission EULEX mais sans se prononcer sur le statut du Kosovo. En vertu de la résolution 1244, la MINUK demeure en place, jouant le simple rôle de « coordination » de la présence internationale.
Si le plan de M. Ahtisaari n’est pas officiellement
entré en vigueur, un « Bureau civil international » (ICO), dirigé par le
Haut représentant de l'UE au Kosovo, le Néerlandais Pieter Feith, est
néanmoins ouvert. Faute de mandat accordé par l’ONU et accepté par
toutes les parties, il revêt surtout une fonction de conseil auprès des
institutions du Kosovo. En revanche, Belgrade donne son accord au
déploiement de la mission EULEX, qui prend ses fonctions le 9 décembre
2008. Cette mission doit apporter un « soutien technique » au Kosovo
dans les secteurs essentiels de la justice, de la police et des douanes.
Présente à travers tout le Kosovo, y compris dans les enclaves serbes,
elle est supposée rester « neutre » sur la question du statut du pays,
ce qui ne va pas sans d’innombrables contradictions sur le terrain.
Reprenant quelque 800 dossiers de crimes de guerre
qui étaient autrefois de la compétence de la MINUK, elle doit notamment
enquêter sur les disparitions de Serbes qui auraient été déportés en
Albanie à l’été 1999 et qui auraient pu faire l’objet d’un trafic
d’organes, un crime, qui impliquerait les plus hauts responsables du
Kosovo, notamment le Premier ministre H. Thaçi.
6. Les défis du Kosovo indépendant (depuis 2008)
6.1. Une situation économique préoccupante
L'économie du jeune État reste fragile en dépit de l'ampleur des sommes injectées par la communauté internationale et du milliard d'euros investi par des compagnies étrangères au Kosovo depuis 1999, notamment lors du processus de privatisation des entreprises d'État (secteur bancaire, télécommunications, mines, agriculture, etc.). Elle pâtit de la chute du commerce transfrontalier avec la Serbie, à laquelle s'ajoute la crise économique et financière de 2008 qui tarit presque totalement les investissements étrangers en 2009-2010, tandis que les donations internationales se raréfient également. De surcroît, entré en crise politique à l’automne 2010, le Kosovo ne peut adopter qu’en février 2011 son nouveau budget annuel, qui prévoit un lourd déficit. Le chômage frappe toujours environ la moitié de la population active.6.2. Un désenchantement certain
Le 15 novembre 2009, des élections municipales sont organisées au Kosovo. Il s’agit du premier scrutin depuis la proclamation d’indépendance. La participation assez faible (45 % des inscrits) traduit le désenchantement des électeurs albanais. Le scrutin se déroule dans le calme, sans entraîner de changements notables dans le rapport de force entre les partis albanais. Toutefois, d’assez fortes turbulences politiques suivent les élections, d’autant que les deux partis qui forment la coalition gouvernementale depuis l’automne 2007, le PDK du Premier ministre H. Thaçi et la LDK du président F. Sejdiu, sont en rivalité dans la plupart des communes.
Côté serbe, la situation est plus contrastée : dans
certaines enclaves du Kosovo central, la participation est
significative, comme à Gračanica (23 % des inscrits), qui doit devenir
une commune réunissant 16 villages serbes des alentours de Priština. En
revanche, le boycott du scrutin est quasi total (moins de 1 % de
participation à Zubin Potok) dans la zone serbe du Nord du Kosovo, où
les administrations communales « parallèles » qui ne reconnaissent que
l'autorité de Belgrade demeurent toutes puissantes.
Le Kosovo semble être durablement entré dans une
logique de « reconnaissance partielle » de son indépendance, mais aussi
de partition entre zones serbes et albanaises, tandis que sa
proclamation d’indépendance n’a pas mis fin à la tutelle internationale.
Cette situation est de plus en plus mal ressentie par une partie de
l’opinion albanaise. Le mouvement Vetëvendosje (« Autodétermination »)
mène ainsi des actions répétées contre toute forme de protectorat, tout
en posant de plus en plus ouvertement la question d’une éventuelle
unification nationale albanaise.
6.3. Vers une normalisation avec la Serbie
À la suite de l'avis rendu, le 22 juillet 2010, par la Cour internationale de justice (CIJ), estimant que la proclamation d'indépendance du Kosovo ne violait pas le droit international, Belgrade assouplit sa position et s'ouvre au dialogue avec Priština dans une résolution commune avec l'UE, adoptée aux Nations unies le 9 septembre. Ce « dialogue », qui doit théoriquement porter sur des « questions techniques » et non pas sur le statut du Kosovo débute à Bruxelles le 9 mars 2011, avec une médiation de l’UE. Parmi les premiers sujets évoqués figurent la question des personnes disparues, les télécommunications et la liberté de circulation.
Le 19 avril 2013, un accord de principe plus global
et politique est signé à Bruxelles. Celui-ci prévoit le regroupement des
quatre municipalités à majorité serbe du Nord – Mitrovica-Nord,
Zvečan, Leposavić et Zubin Potok – au sein d’une nouvelle entité
bénéficiant de compétences propres dans cinq domaines initiaux
(développement économique, santé, éducation, planification urbaine et
rurale), l’intégration des structures parallèles policières et
judiciaires serbes au sein de celles du Kosovo, ainsi que l’organisation
d’élections municipales. Si les délais d’application prévus des
principales clauses de cet accord – accueilli avec scepticisme ou
hostilité par les principaux intéressés –, ne sont pas tenus, les
élections peuvent néanmoins être organisées avec l’appui de l’OSCE en
novembre et décembre, dans des conditions jugées globalement
satisfaisantes. Le taux de participation reste cependant extrêmement
faible et la méfiance mutuelle entre les deux États encore très forte.
Ces efforts sont pourtant « récompensés » par
Bruxelles lors du Conseil européen du 28 juin 2013 : les négociations
d’adhésion de la Serbie à l’UE sont ouvertes au niveau
intergouvernemental en janvier 2014, tandis que les discussions en vue
d’un accord de stabilisation et d’association (ASA) avec le Kosovo
peuvent débuter.
6.4. Une longue crise politique
Le Kosovo entre en crise politique à l’automne 2010. Le président F. Sedjiu, qui cumulait sa fonction avec celle de chef de parti, en violation de la Constitution, est contraint à la démission le 29 septembre, et la LDK se retire du gouvernement de coalition dirigé par H. Thaçi. Des élections anticipées sont convoquées le 12 décembre. Marqué par de nombreuses fraudes, principalement du fait du PDK de H. Thaçi qui procède au bourrage des urnes dans ses bastions traditionnels, le scrutin est réorganisé dans certaines communes les 9 et 23 janvier 2011. Les résultats ne traduisent pas de modifications sensibles des rapports de force politique. Le PDK demeure la première formation politique du pays, avec 33,5 % des suffrages, suivi par la LDK, désormais dirigée par le maire de Priština, Isa Mustafa (23,6 %). Cependant, le mouvement Vetëvendosje, qui se présente pour la première fois à des élections, fait une entrée remarquée au Parlement, avec 12,2 % des voix.
Bien qu'arrivé en tête, le PDK peine à former une
nouvelle majorité, la LDK refusant de renouveler la « grande coalition »
de 2007. Contraint de s'entendre avec l'Alliance pour l'avenir du
Kosovo (AKR) de l'homme d'affaires Bexhet Pacolli, qui, tout en n'ayant
recueilli que 7 % des suffrages, impose ses conditions, H. Thaçi cède à
l'AKR trois portefeuilles de ministre et le poste de vice-Premier
ministre, le poste de président de la République revenant à B. Pacolli
(laborieusement élu au 3e tour de scrutin le 22 février par
le Parlement). Patron d'une entreprise de construction soupçonnée de
versement de pots de vin à de hauts dignitaires russes pour obtenir le
contrat de rénovation du Kremlin de Moscou, B. Pacolli est poussé à la
démission dès le 30 mars, à la suite de l'invalidation de son élection
par la Cour constitutionnelle.
H. Thaçi est, pour sa part, directement mis en cause
dans un rapport du Conseil de l'Europe adopté en janvier 2011 et
accusant des responsables de l'UÇK (le « groupe de la Drenica ») de
s'être livrés, en 1999 et 2000, à un trafic d'organes prélevés sur des
prisonniers serbes.
Mettant fin à une crise politique qui menaçait de
conduire le pays vers des élections législatives anticipées, le
Parlement élit à la magistrature suprême, après un accord entre la
coalition au pouvoir et la LDK, Atifete Jahjaga, une jeune femme
générale de police inconnue du grand public et des milieux politiques
(avril 2011). Refusant de participer à l’élection, le mouvement
Vetëvendosje quitte le Parlement en dénonçant l'implication des
États-Unis dans les négociations.
En 2014, le Premier ministre ayant échoué à trouver
une majorité parlementaire pour la création d’une véritable armée, des
élections législatives anticipées sont convoqués le 8 juin 2014.
Marquées par un taux d’abstention en hausse (57,3 %) mais par la bonne
participation des quelque 120 000 Serbes du Kosovo – en particulier les
40 000 majoritaires dans le Nord —, elles voient la victoire du PDK
d’Hashim Thaçi avec 30,38 % des voix et 37 sièges sur 120 devant la LDK
d’Isa Mustafa (25,24 % et 30 sièges). Le mouvement Vetëvendosje arrive
en troisième position avec 13,59 % des suffrages et 16 députés devant
l'AAK (Alliance pour l'avenir du Kosovo) de Ramush Haradinaj (9,54 %,
11 sièges), suivi de la liste serbe Srpska (5,22 %, 9 repésentants) et
de l'Initiative pour le Kosovo (Nisma per Kosovën, dissidents du PDK,
5,15 %, 6 sièges) et de listes représentant les autres minorités
(turque, bosniaque, roms…), qui obtiennent une dizaine de sièges
réservés au total.
Bien que vainqueur, le PDK du Premier ministre
sortant H. Thaçi se retrouve sans allié pour former le nouveau
gouvernement, les trois partis arrivés derrière lui, LDK, AAK et Nisma
ayant signé un accord de coalition et menant des négociations avec
Vetëvendosje pour trouver une entente en vue de former un gouvernement,
sous la direction de Ramush Haradinaj (déjà Premier ministre de décembre
2004 à mars 2005).
S’opposant en premier lieu à toute concession à la
Serbie, Vetëvendosje obtient satisfaction en septembre lors de la
signature d’un accord avec les trois autres partis de l’opposition, mais
ce dernier, qui aurait pu au demeurant remettre en cause la politique
de normalisation, priorité de l’UE, fait long feu.
Après cinq mois de paralysie institutionnelle, un
accord est conclu avec la médiation active des États-Unis en novembre
entre le PDK et la LDK confiant le poste de Premier ministre à Isa
Mustafa et celui de président du Parlement au PDK, les postes
ministériels étant partagés à égalité entre les deux formations. Le mois
suivant, conformément à cet accord, Kadri Veseli, vice-président du
PDK, est élu à la tête du Parlement, Isa Mustafa prend les rênes du
gouvernement de coalition PDK-LDK, tandis que Hashim Thaçi, qui vise le
poste de président du Kosovo au terme du mandat d'Atifete Jahjaga en
2016, se contente de celui de vice-Premier ministre et de ministre des
Affaires étrangères. Les représentants serbes y participent en
conservant le ministère chargé de l’« Administration du gouvernement
local » et celui du « Retour et des communautés » outre un poste de
vice-Premier ministre.
Dénoncé par Vetëvendosje comme un arrangement
personnel entre deux hommes, au détriment de la lutte contre la
corruption et la criminalité, le renouvellement de cette alliance est
également contesté dans les rangs des deux partis. En revanche, il
reçoit le soutien d’une majorité de 73 voix à l’Assemblée et
l'approbation de l’Union européenne.
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