
Myanmar (Birmanie)

Nom officiel: Union
de Myanmar
Population: 55 746 253 habitants (est. 2014) (rang dans le monde: 24)
Superficie: 678 500 km. car.
Système politique: junte militaire
Capitale: Naypyidaw
Monnaie: kyat
PIB (per capita): 1 700$ US (est. 2013)
Langues: birman (langue officielle); les groupes ethniques minoritaires ont leurs propres langues dont le shan, l’arakan, le karen, le môn, le kachin, le chin, le karenni, le lahu, le rohingya, etc.
Religions: bouddhistes 89%, chrétiens 4% (baptistes 3%, catholiques romains 1%), musulmans 4%, animistes 1%, autres 2%
Population: 55 746 253 habitants (est. 2014) (rang dans le monde: 24)
Superficie: 678 500 km. car.
Système politique: junte militaire
Capitale: Naypyidaw
Monnaie: kyat
PIB (per capita): 1 700$ US (est. 2013)
Langues: birman (langue officielle); les groupes ethniques minoritaires ont leurs propres langues dont le shan, l’arakan, le karen, le môn, le kachin, le chin, le karenni, le lahu, le rohingya, etc.
Religions: bouddhistes 89%, chrétiens 4% (baptistes 3%, catholiques romains 1%), musulmans 4%, animistes 1%, autres 2%
GÉOGRAPHIE

La Birmanie possède quelques ressources minières
ainsi que d'importantes réserves de pétrole et, surtout, de gaz naturel
(gisement offshore de Yadana et de Shwe). Un essor du tourisme s'amorce
avec la détente politique.
1. Le milieu naturel
1.1. Le relief
Le pays comprend trois grandes zones méridiennes : au centre, une dépression de près de 1 000 km de long (bassin de haute Birmanie et delta de basse Birmanie) ; à l'ouest, l'Arakan Yoma ; à l'est, les monts des Kachins (plus de 6 000 m), le plateau Chan et le Tenasserim. Les montagnes, difficilement pénétrables, cernent donc de toutes parts la longue dépression centrale, qui est d'ailleurs accidentée de collines, voire de chaînons (Pegu Yoma) et de volcans éteints, et qui est parcourue par l'Irrawaddy, par son affluent le Chindwin et par le Sittang. Le Salouen, par contre, dont la plus grande partie du cours traverse en gorges le plateau Chan, formant le plus grand canyon du monde, reste, à l'est, en marge de la dépression birmane. Le plateau Chan et le Tenasserim sont constitués de terrains anciens, notamment de calcaires sombres et durs et de granites riches en cassitérite (étain) et en wolfram (tungstène) : ils dominent par un escarpement de faille – de 1 500 m – la dépression birmane, dont les terrains tertiaires (grès, sables, argiles), parfois pétrolifères, sont plissés et en partie affectés par le volcanisme quaternaire.1.2. Le climat
Entre 15 et 28° de latitude nord, la Birmanie a un climat chaud, à pluies d'été (mai-novembre) dues à la mousson. Celle-ci déverse des précipitations extrêmement abondantes sur l'Arakan et le Tenasserim (plus de 5 000 mm à Akyab et à Tavoy), couverts de forêts denses sempervirentes, et sur le delta de l'Irrawaddy (plus de 2 000 mm à Rangoun). Par contre, le bassin de haute Birmanie, « sous le vent », est sec (moins de 1 000 mm, parfois moins de 600 m), avec des pluies très irrégulières : les versants montagneux portent une forêt sèche riche en tecks ; ailleurs des épineux et, dans les plus bas fonds, des lacs salés. L'Irrawaddy, axe du pays, est navigable sur 1 600 km.2. La population
État à l'unité fragile (dont les structures fédérales restent encore floues), la Birmanie est une mosaïque ethnique. Habitant la dépression centrale, drainée par l'Irrawaddy, les Birmans proprement dits, bouddhistes et de langue tibéto-birmane, sont majoritaires : ils représenteraient de 65 à 75 % de la population mais mais n'occuperaient qu'environ 53 % du territoire. Des minorités d'importance diverse se partagent les zones périphériques et occupent les montagnes selon un étagement précis. Les Arakanais, en partie islamisés, à l'ouest, et les Môns de l'État Môn et du Tenasserim (auj. Tanintharyi), à l'extrême sud, sont proches des Birmans.
Au sud-est, les Karens, montagnards animistes en
partie christianisés, de langue proche du birman, comprennent divers
sous-groupes, formant l'une des importantes ethnies minoritaires du pays
avec environ 7 % de la population ; on les rencontre aussi dans le
delta de l'Irrawaddy.
Plus au nord, on trouve les Chans
(ou Shans), la minorité qui serai la plus nombreuse, bouddhistes
apparentés aux Thaïs, et des tribus montagnardes proto-indochinoises
(Palaungs, Was). Enfin, au nord et au nord-ouest, les montagnards
Kachins et Chins, de langues tibéto-birmanes, n'ont pas subi l'influence
indienne et sont restés animistes ou ont été en partie christianisés.
Les minorités indienne et chinoise, bien représentées dans les villes
avant la Seconde Guerre mondiale, ont beaucoup diminué.
La population birmane est d'une densité plutôt faible (78 habitants par km2),
sauf dans les deltas du Sud et dans le bassin de Mandalay, fortement
peuplés. La plus grande ville, Rangoun, regroupe 4 millions d'habitants.
La population a vu son taux d'accroissement naturel diminuer à la fin
des années 1990 pour atteindre 1,2 % par an. La natalité (21 ‰) et la
fécondité (2,8 enfants par femme) restent, cependant, encore soutenues.
La population est relativement jeune (33 % des Birmans ont moins de
15 ans) et faiblement urbanisée (27 % de citadins).
3. L'économie
La Birmanie bénéficie de ressources minières (plomb,
zinc, étain, tungstène, argent, pierres précieuses) situées, en majeure
partie, dans les montagnes des États des Chans et de Kawthoolei ainsi
que dans le Tenasserim. Mais l'industrie extractive est en régression.

L'agriculture domine l'économie, occupant près des
deux tiers des actifs et fournissant 25 % du produit intérieur brut. La
principale production agricole est le riz, dont une grande partie est
exportée. La basse Birmanie, et surtout le delta de l'Irrawaddy
(30 000 km2), constitue le grenier à riz du pays, grâce à des
conditions naturelles favorables (pluies régulières, sol fertilisé par
le fleuve). Cette monoculture commerciale, pratiquée de manière
extensive, a longtemps profité à la grande propriété, souvent aux mains
d'usuriers d'origine indienne. Après une première réforme agraire en
1954, la terre a été décrétée propriété d'État en 1970. Outre le riz, la
Birmanie exporte également du bois (teck). En haute Birmanie, région
pittoresque comptant sept anciennes capitales (dont Pagan et Mandalay),
mais aux conditions plus difficiles (climat semi-aride, sols médiocres,
sauf pour les îles de l'Irrawaddy), on trouve des cultures plus
diversifiées (riz, millets, arachide, coton, légumes, tabac) et de
l'élevage. L'artisanat (tissage du coton et de la soie, fabrication de
cigares) y est réputé. Enfin, dans la zone proche de la Chine, de la
Thaïlande et du Laos, dite « triangle d'or », la culture du pavot
prospère. Rangoun,
la capitale, est la première ville du pays (4 millions d'habitants dans
l'agglomération) et le seul grand port, bénéficiant des liaisons
fluviales avec l'intérieur. En 2005, une capitale administrative est
créée dans le centre du pays, à Nay Pyi Taw (ou Naypyitaw), près de Pyinmana, à 200 km environ au N. de Rangoun.
Les principaux partenaires commerciaux de la Birmanie
sont la Thaïlande (premier client), la Chine (premier fournisseur et
investisseur étranger), l'Inde, Singapour, le Japon, la Corée du Sud et
la Malaisie. Le pays exporte du gaz naturel (à partir des gisements
offshore de Yadana et de Shwe), du pétrole, des pierres précieuses et
semi-précieuses (rubis, jade), du bois de teck, divers produits
agricoles (haricots secs, sésame). La Birmanie est perçue comme l'un des
pays d'Asie les plus corrompus et affiche un développement humain parmi
les plus bas de la région.
Depuis 2010, le nouveau gouvernement a mis en place
une politique d'ouverture économique par le biais des privatisations et
de la libéralisation du secteur financier.
HISTOIRE
1. Des origines à la colonisation britannique

Môns et Birmans vont vite s'affronter pour le
contrôle du pays ; le conflit durera un millénaire, jusqu'à
l'anéantissement des royaumes môns au xviiie siècle.
Au viiie siècle, des populations thaïes – les Chans – arrivent sur le plateau oriental, constituant la plus importante minorité d'un pays au peuplement hétérogène.
Créé au ixe siècle, le royaume birman de Pagan connaît son apogée avec la formation du premier empire par Anoratha
(1044-1077), qui soumet les Môns et conquiert leur capitale, Thaton
(1057) ; il organise l'empire et étend sa suzeraineté. En 1287, Pagan
est prise par les troupes mongoles de Kubilay et, en 1299, elle est brûlée par les Chans.
Le pays se morcelle (royaume môn de Pegu, 1387-1539 ; dynastie chan d'Ava, 1364-1555) et ce n'est qu'au xvie siècle
que les rois de Toungoo, Tabinshweti puis Bayinnaung, rétablissent
l'unité du pays. Celle-ci est de courte durée, et il faut attendre le
milieu du xviiie siècle pour qu'Alaungpaya fonde le troisième empire birman (dynastie Konbaung, 1752-1885), qui conquiert Ayuthia (1767), l'Arakan (1785), le Manipur (1759 et 1817) et l'Assam (1817). Entre-temps, la capitale se déplace vers Rangoun.
2. La colonisation britannique
Déjà installés en Inde, les Anglais vont, par trois guerres successives (1824-1826, 1852, 1885), conquérir le pays et abolir la monarchie. La Birmanie devient une province de l'Empire des Indes (1er janvier 1886). Face à l'exploitation coloniale des richesses du pays, le mouvement nationaliste ne va pas tarder à s'affirmer.
Le premier parti, celui des Thakins (« Maîtres »), est fondé en 1929 par Aung San et U Nu.
En 1937, la Birmanie est séparée des Indes britanniques et s'achemine
vers l'autonomie lorsque éclate la Seconde Guerre mondiale. Occupée par
les Japonais (1942-1945), elle est le théâtre de violents combats dont
sortiront victorieuses les troupes de Mountbatten.
3. Indépendance et guerres civiles
Le 4 janvier 1948, l'Union birmane accède à l'indépendance. Aung San ayant été assassiné (juillet 1947), U Nu prend la tête du gouvernement. En dépit de l'accord de Panglang (février 1947) entre les Birmans et les autres ethnies, les Karens (1948), puis les Kachins (1949) prennent les armes pour obtenir l'autonomie. À la même époque, le parti communiste birman se lance dans la lutte armée. Dès lors, le gouvernement central s'épuise dans une guerre civile sans fin contre les mouvements nationalistes et révolutionnaires. La situation économique du pays est difficile et U Nu se lance dans un programme de réformes au nom du socialisme bouddhique.
En septembre 1958, les militaires prennent le contrôle du pouvoir et le général Ne Win
devient Premier ministre. À la suite des élections de février 1960,
U Nu revient au pouvoir. Il nationalise certains secteurs économiques et
proclame le bouddhisme religion d'État (août 1961). En 1961, les
minorités, réunies à Taunggyi, réclament une nouvelle Constitution
reconnaissant l'égalité et l'autonomie des différents États de l'Union.
Ce projet est mis au point le 1er mars 1962 par le Parlement.
4. Coup d'État militaire et « socialisme birman »
Le lendemain, l'armée reprend le pouvoir et le général Ne Win revient à la tête d'un nouveau gouvernement militaire et d'un Conseil révolutionnaire. Il fait emprisonner U Nu, suspend la Constitution et dissout le Parlement. Les postes de commande sont confiés à des officiers. Rangoun contrôle plus étroitement les États. L'abolition des structures traditionnelles entraîne, en 1962, le soulèvement des Chans.
Au nom de la « Voie birmane vers le socialisme », qui
s'appuie sur le parti du Programme socialiste birman (BSPP) – devenu
parti unique (mars 1964) –, Ne Win décide d'étatiser les principaux
secteurs de l'économie, dans le cadre d'un « État socialiste ». Cette
politique fait peser une lourde charge financière sur le pays, qui doit
dédommager les banques et actionnaires étrangers. De plus, incompétence
et corruption vont fortement obérer le développement de la Birmanie.
En cinq ans, de 1962 à 1967, la production de riz
baisse de un million de tonnes. Le revenu par habitant est un des plus
bas du monde ; la production agricole et industrielle a de la peine à
suivre la progression démographique, et le commerce extérieur connaît de
graves difficultés.
Les insurrections reprennent, mobilisant contre elles
le gros des forces armées. Le parti communiste prochinois du « drapeau
blanc », qui groupe des milliers de maquisards retranchés dans des bases
proches de la frontière de la Chine, est le plus menaçant. Bien
qu'ayant subi de nombreux revers (mort de leur chef Thakin Than Tun
[1968], puis mort de son successeur [1975] lors de la prise de la base
des monts Pégu), les maquisards du « drapeau blanc », dirigés par Thakin
Ba Thein (réfugié en Chine), étendent leur influence chez les Chans et
les Kachins. Mais, morcelées, les minorités parviennent difficilement à
s'unir de façon durable.
U Nu, qui a été libéré en 1966, se réfugie en
Thaïlande et tente vainement d'organiser la résistance contre Ne Win. En
1967, ce dernier, qui poursuit sa diplomatie de non-alignement, doit
faire face à une très grave crise. Des manifestations antichinoises
ensanglantes Rangoun en juin, et les relations sont suspendues entre la
Chine et la Birmanie. Les efforts de Ne Win aboutissent en 1970 à la
normalisation des relations sino-birmanes.
En décembre 1973, une nouvelle Constitution est
adoptée par référendum, et la Birmanie devient République socialiste. Le
Conseil révolutionnaire remet ses pouvoirs au Congrès du peuple (Pyithu Hluttaw).
Les élections législatives de janvier-février 1974 ne modifient pas la
situation. Dès juin, l'armée réprime brutalement des manifestations
ouvrières à Rangoun. En décembre, des émeutes estudiantines ont lieu
dans la capitale à l'occasion des obsèques de U Thant,
l'ancien secrétaire général des Nations unies ; la loi martiale est
proclamée. Le gouvernement décide une timide ouverture aux capitaux et
investissements étrangers. Il s'ensuit un léger début de redressement
économique.
En juin 1976, alors que les manifestations reprennent
à Rangoun, plusieurs mouvements nationalistes créent le Front uni, pour
lutter contre le pouvoir central. Des rivalités au sein du parti ne
remettent pas en cause le pouvoir du président Ne Win, assisté du
général San Yu, secrétaire général du BSPP et du Conseil d'État. En
avril-mai 1978, les exactions de l'armée entraînent la fuite vers le
Bangladesh de 200 000 musulmans birmans – les Rohingyas –, dans des
conditions dramatiques. Ils seront rapatriés en 1979 sous l'égide des
Nations unies.
En septembre 1979, la Birmanie décide de se retirer
du mouvement des pays non-alignés. En 1981, Ne Win abandonne ses
fonctions, tout en conservant la présidence du parti et en continuant en
fait à diriger le pays. San Yu est élu à la présidence de la République
après avoir quitté le secrétariat général du parti.
5. Le SLORC et l'opposition démocratique
En 1988, une vague de manifestations, durement réprimées, signe l'échec politique et économique du régime. En juillet, Ne Win quitte la direction du BSPP. Le général Sein Lwin, surnommé le « boucher de Rangoun », lui succède et remplace San Yu à la présidence de la République le 27 du même mois. Après avoir écrasé de nouvelles émeutes et une grève générale au prix de milliers de morts en août, il doit céder la place au civil Maung Maung.
L'opposition prodémocratique s'étend à toutes les classes de la société. La fille d'Aung San, le héros de l'indépendance, Aung San Suu Kyi
en devient la figure de proue. Au prix d'une répression sanglante,
l'armée reprend le pouvoir et forme, le 18 septembre, le State Law and
Order Restoration Council (SLORC), avec à sa tête le général Saw Maung,
qui ordonne arrestations en masse et exécutions ; des opposants se
réfugient à la frontière thaïlandaise. Cependant, le multipartisme est
instauré, et les élections qui ont lieu le 27 mai 1990 consacrent la
victoire écrasante de la National League for Democracy (NLD), dont la
secrétaire générale, Aung San Suu Kyi, a été placée en résidence
surveillée. Le BSPP, devenu le National Unity Party (NUP), est balayé.
Refusant de tenir compte de ces élections, la junte poursuit la
répression, s'en prenant même aux moines bouddhistes. Condamné par la
communauté internationale, isolé diplomatiquement – Aung San Suu Kyi,
toujours prisonnière, reçoit le prix Nobel de la paix en 1991 –, le
régime n'est plus soutenu que par la Chine, qui lui fournit une aide
militaire contre des avantages stratégiques.
Le 23 avril 1992, Saw Maung cède la place au général
Than Shwe, qui inaugure une politique d'apaisement et d'ouverture
économique, destinée à améliorer l'image du pays. Une convention, dans
laquelle siège la NLD, est nommée pour préparer une nouvelle
Constitution. Aung San Suu Kyi, libérée en juillet 1995, mais
étroitement surveillée, s'efforce de relancer la dynamique d'opposition.
En décembre, la NLD quitte la convention, mais subit une répression
sévère alors qu'elle tente de tenir un congrès. Des centaines
d'arrestations paralysent à nouveau le mouvement à la fin de 1996.
Encouragé par ses espoirs de croissance économique,
le SLORC parvient à négocier des accords de cessez-le-feu avec la
quinzaine de mouvements ethniques en rébellion contre l'autorité
centrale, dont certains, comme les Karens, depuis 1949. Khun Sa,
« seigneur de la drogue », se soumet en janvier 1995. Le SLORC, épuré de
ses membres les plus corrompus, se transforme, en novembre 1997, en
State Peace and Development Council (SPDC), composé de 19 membres et où
rivalisent, sous la présidence de Than Shwe, la faction dure du général
Maung Aye, chef des forces armées, et celle, plus pragmatique, du
général Khin Nyunt, l'« homme fort » des services secrets, tandis que Ne
Win maintient son influence.
En juillet 1997, la Birmanie entre dans l'ASEAN.
Déconcertée par l'échec du modèle indonésien de Suharto, en 1998, la
junte continue sa lutte contre le mouvement d'Aung San Suu Kyi (NLD),
tandis que cette dernière, au péril de sa vie, développe son action et,
face à la crise économique, appelle la convocation du Parlement issu des
élections de 1990. Mais l'arrestation en septembre 1998 de plusieurs
centaines d'opposants montre la volonté farouche des dirigeants de ne
rien céder aux démocrates.
6. Le triomphe de la ligne dure
Tandis que les États-Unis et l'Union européenne maintiennent leurs sanctions à l'égard du régime, celui-ci mise sur la « solidarité asiatique » pour briser son isolement. Un diplomate malaisien obtient, fin 2000, la reprise du dialogue avec Aung San Suu Kyi. Libérée en mai 2002, celle-ci est arrêtée de nouveau en mai 2003.
Entre-temps, un remaniement gouvernemental, la
condamnation à mort du gendre de Ne Win et de ses fils, des limogeages
au sein des forces armées montrent que des luttes opposent toujours les
factions de la junte. La situation économique est catastrophique
(inflation de 60 % en 2002, chute du kyat) et seul le commerce
transfrontalier, surtout avec la Chine (bois et pierres précieuses),
permet aux militaires birmans d'éviter la banqueroute. Ces derniers
essuient un échec diplomatique sérieux lorsque l'ASEAN condamne
l'arrestation d'Aung San Suu Kyi. Le général Ne Win meurt le 5 décembre
2002 dans l'indifférence.
Alors que de nouvelles arrestations confirment le
blocage de la situation, le général Khin Nyunt est nommé Premier
ministre par Than Shwe en août 2003. Il fixe aussitôt une « feuille de
route » vers la démocratie : il s'agirait de réactiver la Convention
nationale (suspendue en 1996 après le retrait de la LND) pour rédiger
une Constitution, qui serait ratifiée par référendum avant des élections
législatives. Khin Nyunt fait des ouvertures vers les minorités
rebelles et conclut des trêves. En septembre 2003, Aung San Suu Kyi,
sortie de prison pour subir une opération chirurgicale, est de nouveau
assignée à résidence chez elle, à Rangoun. Malgré quelques libérations
de personnalités politiques, la Convention nationale, ouverte en mai
2004, est boycottée par la NLD et plusieurs groupes ethniques.
Khin Nyunt est évincé en octobre, officiellement pour
« corruption ». Le service des renseignements, qu'il dirigeait depuis
1984, et qui avait, semble-t-il, tenté de prendre le contrôle du
commerce frontalier avec la Chine, est alors épuré. Procès et
condamnations se poursuivent jusqu'en 2005. Le général Soe Win, premier
secrétaire du SPDC, succède à Khin Nyunt. La ligne « dure » triomphe. La
Convention nationale, réunie dans un camp sous haute surveillance, se
sépare en avril 2005 sans alléger les frustrations. La chute de l'empire
financier et commercial de Khin Nyunt contribue à aggraver les
difficultés économiques. Dans ce pays en ruine, le budget militaire est
trois fois plus important que ceux de l'Éducation et de la Santé réunis.
La junte pratique le travail forcé au bénéfice des entreprises qui
investissent dans le pays (Total).
La Chine maintient son soutien et son « amitié
fraternelle » au régime birman, à qui elle fournit armements et aide
économique, obtenant en contrepartie un accès convoité vers le golfe du
Bengale et du gaz (accord de 2005). Cela n'est pas sans inquiéter l'Inde
(accord pour la construction d'un gazoduc en 2006), les États Unis, le
Japon et l'ASEAN, dont la Birmanie, doit assurer, en 2006, la présidence
tournante (elle y renoncera peu avant).
Par ailleurs, voulant revenir à la tradition
royale et par crainte d'une intervention américaine ou d'une invasion
thaïlandaise, la junte entreprend, fin 2005, de déménager la capitale
dans le centre du pays, à proximité de Pyinmana et à 300 km environ au
nord de Rangoun. La nouvelle capitale est baptisée Nay Pyi Taw (ou
Naypyidaw, « Cité royale »).

En août-septembre 2007, des mouvements de
protestation populaires contre une brusque augmentation du prix des
carburants et leur brutale répression par les forces de l'ordre
remettent au premier plan la « question birmane ». L'ensemble de la
communauté internationale (l'ONU, l'Union européenne, les États-Unis,
mais également la Chine et l'ASEAN) exhorte les autorités birmanes à la
modération en les appelant à engager le dialogue avec l'opposition, en
particulier avec Aung San Suu Kyi, dont l'assignation à résidence a été
prorogée d'un an en 2006.
L'envoyé spécial des Nations unies pour la Birmanie,
Ismaïl Gambari, chargé de promouvoir un dialogue entre la junte et la
société birmanes, se heurte à de nombreux obstacles mais parvient à
rencontrer Aung San Suu Kyi en mars 2008. Invoquant la « souveraineté »
de la Birmanie, la junte militaire campe sur ses positions et refuse
tout geste significatif s'agissant des prisonniers politiques et des
personnes détenues à la suite des manifestations.
Le 3 mai 2008, le typhon Nargis provoque un désastre
humanitaire (2,4 millions de sinistrés). Alliant l'inflexibilité au
cynisme, la junte n'accepte l'aide internationale qu'au compte-gouttes
et dans cette situation chaotique, fait adopter par référendum une
nouvelle Constitution afin de pérenniser son pouvoir dans la perspective
des élections prévues en 2010. Réservant aux militaires certains des
ministères clés et un quart des sièges dans les deux chambres, le texte
interdit également aux personnes ayant épousé un étranger de se porter
candidat. Cette clause ad hoc vise Aung San Suu Kyi dont l'assignation à
résidence est renouvelée d'un an le 27 mai et qui est de nouveau
arrêtée le 14 mai 2009 pour avoir laissé un ressortissant américain
séjourner chez elle. Au terme d'un procès de près de trois mois,
l'opposante, dont la popularité est toujours redoutée par les
militaires, est condamnée à dix-huit mois de résidence surveillée malgré
les démarches en faveur de sa libération du secrétaire général de l'ONU
ainsi que de l'ASEAN.
7. Un paravent démocratique
Boycottées par la Ligue nationale pour la démocratie (LND) d’Aung San Suu Kyi, officiellement dissoute, les élections générales – d’un Parlement bicaméral et de quatorze assemblées régionales – se tiennent le 7 novembre 2010 en l’absence d’observateurs internationaux. La junte garde la haute main sur la consultation et le parti de la Solidarité et du Développement de l’Union (USDP) qu’elle a créé de toutes pièces, massivement présent et mené par le Premier ministre Thein Sein, l’emporte aisément en s’arrogeant la très grande majorité des sièges à la Chambre des représentants et à celle des nationalités. Parmi les 38 partis autorisés à se présenter (dont le parti de l’Unité nationale, résurgence de la vieille garde militaire, et 21 formations représentant les minorités ethniques), les deux principaux mouvements d’opposition – la Force démocratique nationale, fondée par des dirigeants de la LND ayant refusé le boycott, et le parti démocratique des Nationalités Shan – n’ont pu, faute de moyens, présenter que respectivement 151 et 73 candidats pour les 498 sièges à pourvoir au Parlement au suffrage universel. Le 13 novembre, Aung San Suu Kyi est libérée et lance un appel à l’union de l’opposition et au dialogue entre toutes les forces politiques. En février 2011, le Premier ministre sortant est élu par le collège électoral à la tête de l’État, ainsi que deux vice-présidents, Tin Aung Myint Oo, un ex-militaire, et Sai Mauk Kham, membre de l'USDP.8. Premiers signes d'ouverture
Le gouvernement civil formé en mars 2011 reste sous la surveillance étroite des militaires. Mais, dans le but de briser l’isolement du pays et d’obtenir la levée des sanctions occidentales, il laisse entrevoir une ouverture politique dont prennent acte aussi bien l’opposition intérieure que la communauté internationale. Le contrôle exercé sur les médias est ainsi partiellement assoupli et l’adhésion à des syndicats et le droit de grève sont autorisés ; après la création d’une Commission nationale sur les droits de l’homme, quelque deux cents prisonniers politiques sont libérés (octobre), tandis que la Ligue pour la démocratie est réintégrée dans le jeu politique (novembre).
En décembre, la secrétaire d’État américaine, Hillary Clinton,
effectue une visite historique à Nay Pyi Taw et à Rangoun, la première
d'un chef de la diplomatie américaine dans le pays depuis 1955, ouvrant
la voie au rétablissement de relations diplomatiques pleines et
entières.
La Birmanie resserre parallèlement ses liens avec ses
partenaires de l’ASEAN qui accepte de lui confier sa présidence
tournante en 2014. Puis, alors qu’une plus vaste amnistie est décrétée
et que s’ouvrent des discussions avec la rébellion karen, c’est au tour
du ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, de se rendre dans le pays (janvier 2012).
Décidée à participer à cette libéralisation encore
timide et ayant obtenu la levée des restrictions sur ses déplacements,
Aung San Suu kyi s’engage dans la campagne électorale en vue des
élections législatives partielles d’avril 2012. Bien que ce scrutin ne
concerne que 45 sièges laissés vacants, dont 37 à la Chambre des
représentants, sa régularité est considérée comme un nouveau test de la
volonté de réforme du gouvernement birman. La très large victoire de la
LND et l’élection d’Aung San Suu Kyi dans la région de Yangon marquent
ainsi une importante étape dans l'évolution du régime.
9. Vers la fin de l'isolement
L’accélération de la libéralisation politique – suppression de la censure, autorisation d’une presse privée, nouvelle libération de prisonniers politiques – et économique – ouverture aux investissements étrangers, réforme de la Banque centrale en vue d’une plus grande autonomie et du développement du secteur bancaire – semble montrer une volonté réelle de réforme de la part du président Thein Sein et de ses alliés.
La normalisation des relations avec les États-Unis
peut ainsi se poursuivre : après son passage en septembre 2012 devant
l’Assemblée des Nations unies (où il rend hommage à Aung San Suu Kyi en
visite aux États-Unis au même moment) et après avoir accueilli Barack Obama
en Birmanie en novembre, Thein Sein est le premier chef d’État birman à
être reçu à la Maison-Blanche depuis 47 ans en mai 2013.
Parallèlement, en juillet et septembre 2012,
Washington met fin aux restrictions sur les investissements américains
en Birmanie et lèvent l’interdiction d’importer des produits birmans.
À la suite d’un voyage officiel dans plusieurs pays
européens et à Bruxelles (février-mars 2013) le président birman obtient
également en avril la levée des sanctions commerciales imposées par
l’UE, à l’exception de l’embargo sur les armes. Soucieux ainsi de
contrebalancer l’influence de la Chine, la Birmanie améliore aussi ses
relations avec l’Inde, la Thaïlande et le Japon.
10. Le lancement du processus de paix
L’une des avancées mises en avant par Thein Sein est la relance de plusieurs initiatives de paix avec les multiples mouvements rebelles en lutte contre le pouvoir central depuis des décennies pour défendre les droits politiques, économiques et culturels des principales ethnies non birmanes du pays. Des accords de cessez-le-feu locaux ont été signés depuis la fin 2011 notamment avec les rébellions arakanaise, wa, chan, karenni, karen, môn ou certaines de leurs fractions. Cependant, ils ne sont pas toujours respectés et des affrontements éclatent sporadiquement tandis que des exactions de militaires à l’encontre des populations déplacées sont dénoncées. Les tensions restent particulièrement vives dans l’État Kachin.
Au-delà des trêves susceptibles d’être rompues, un
dialogue politique global est engagé au niveau national, avec notamment
l’ouverture en novembre 2012 du Myanmar Peace Center, chargé de piloter à
plus long terme et de superviser la mise en œuvre du processus de paix
qui se heurte à divers obstacles. La coordination entre les groupes
armés s’avère difficile malgré l’existence depuis février 2011 d’un
Conseil fédéral des nationalités unies (UNFC), principal interlocuteur
du gouvernement dans les négociations en cours mais qui ne représente
pas la totalité des mouvements. Les plus pessimistes mettent surtout en
doute la loyauté de l’armée birmane, avant tout préoccupée par la
préservation de ses intérêts économiques acquis dans les zones sous son
contrôle.
L’issue des discussions est pour l’heure incertaine,
l’un des enjeux clés étant la révision de la Constitution de 2008 en vue
de la création d’un authentique État fédéral.
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