Le Soudan
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Capitale: Khartoum
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Capitale: Khartoum
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Nom officiel: République du Soudan Population: 35 482 233 habitants (est. 2014) (rang dans le monde: 37) Superficie: 2 505 810 km. car. Système politique: fédération; dictature militaire; gouvernement d'unité nationale Capitale: Khartoum Monnaie: dinar soudanais PIB (per capita): 2 600$ US (est. 2013) Langues: arabe (langue officielle), anglais (langue oficielle), nubien, ta bedawie, fur (programme d'arabisation en cour) Religions: musulmans sunnnites, petite minorité de chrétiens Note: le Sud Soudan est devenu officiellement indépendant le 9 juillet 2011 |
GÉOGRAPHIE
Le pays, le deuxième plus grand d'Afrique après l'Algérie, compte plusieurs centaines de peuples, islamisées et arabophones. L'irrigation (à partir du Nil et du Nil Bleu) a permis le développement de cultures (notamment coton et sorgho, puis arachide et canne à sucre) dans le Centre, alors que le Nord, désertique, est voué à l'élevage nomade. L'industrie est inexistante et le pays, lourdement endetté. Près des trois quarts de la population adulte sont analphabètes. Les importants gisements de pétrole, qui permettaient des rentrées de devises, sont situés, depuis la partition du pays, dans le Soudan du Sud.
1. Le milieu naturel
C'est le deuxième plus vaste État d'Afrique, après l'Algérie. Traversé du sud au nord par le Nil, il s'étire du 10e au 23e degré de latitude nord, allant de la zone sahélienne au désert du Sahara.
Le relief n'est pas un facteur important de différenciation régionale car les surfaces planes (plaines et plateaux) dominent, établies au sud sur les terrains cristallins du socle, au nord sur les grès secondaires nubiens qui recouvrent celui-ci. Des mouvements à grand rayon de courbure ont individualisé des zones d'altitudes plus élevées, constituées d'inselbergs et situées essentiellement à la périphérie du pays (sauf au nord). Un volcanisme tertiaire et quaternaire a affecté le djebel Marra dans l'ouest du pays (plus de 3 000 m). Les inselbergs des monts Nuba (1 400 m), au sud d'El-Obeïd, sont les seules hauteurs notables n'ayant pas une localisation périphérique. La vallée du Nil s'est individualisée au tertiaire dans une zone de subsidence qui présente une grande zone de confluences : la Gezireh, au nord de laquelle se rejoignent à Khartoum le Nil Bleu et le Nil Blanc.
Plus que les températures, toujours élevées (de 20 à 40 °C), ce sont les précipitations qui différencient les régions climatiques et biogéographiques. La saison des pluies se situe en été. Les totaux annuels permettent de distinguer un milieu sahélien, du 10e au 15e parallèle (300 à 600 mm de pluies, végétation de steppes à épineux, acacias notamment) et un milieu saharien, au nord du 15e parallèle.
2. La population
De 1980 à 2005, la population du Soudan est passée de 18 à plus de 36 millions d'habitants. Le rythme d'accroissement annuel, toujours très soutenu, montre toutefois, depuis quelques années, des signes de ralentissement : d'une moyenne de 2,4 % par an entre 1985 et 1989, il est passé à 1,9 % en 2003. Le Soudan est le deuxième pays le plus vaste d'Afrique, mais sa densité moyenne est l'une des plus faibles du continent, avec 14 habitants par km2. Celle-ci, cependant, ne rend pas compte de l'inégale distribution de la population. Aux espaces quasiment vides des déserts de Libye et de Nubie s'opposent les fortes densités de la vallée du Nil, qui avoisinent parfois 200 habitants par km2.
Le Soudan est une mosaïque de peuples dont les frontières, héritées de la colonisation, ne tiennent aucun compte des réalités humaines. Il en est résulté un manque d'unité nationale. Jusqu'à la partition de 2011, la population était divisée entre un Nord musulman et un Sud qui se rattache à l'Afrique noire et dont les peuples sont en partie christianisées. Cet antagonisme est à l'origine de la guerre civile qui a déchiré le pays depuis les premières années de l'indépendance du Soudan jusqu'à l'indépendance du Soudan du Sud. Les conquérants arabes, venus d'Égypte, ont été suivis par plusieurs vagues d'immigrants (dont des nomades bédouins). L'arabe et l'islam se sont progressivement imposés dans tout le Nord, mais les populations locales des régions montagneuses (Zaghawas à l'ouest, dans le Darfour, Bedjas au nord-est, Nubas au centre) ont conservé leur identité culturelle.
La rébellion dans ce qui est devenu le Soudan du Sud mais aussi les luttes intestines dans les pays voisins ont provoqué d'importants déplacements de population. Environ 3 millions de réfugiés se sont agglutinés, dans les années 1990, dans des bidonvilles autour de la capitale, Khartoum, qui, avec la cité jumelle d'Omdurman, au confluent du Nil Bleu et du Nil Blanc, compte 4,3 millions d'habitants. Le taux d'urbanisation reste encore peu élevé. Port-Soudan, sur la mer Rouge, est la seconde ville et le principal port du pays.
3. Une économie mal en point
La guerre civile dans le Sud et les changements de régime ont profondément détérioré l'économie du pays. Employant près de 80 % de la population active, l'agriculture et l'élevage fournissent 40 % du P.I.B. et 90 % des exportations. L'accroissement des besoins en bois (utilisé comme combustible domestique) et le surpâturage ont abouti à une dégradation du couvert végétal et ont favorisé l'érosion des sols. Des auréoles de désertification sont apparues autour de nombreux villages de la zone sahélienne, la plus fragile, notamment dans le Kordofan. En un demi-siècle, le désert a ainsi progressé de plus de 100 km vers le sud.
3.1. Le déclin de l'agriculture
Les terres les plus fertiles se situent dans la vallée du Nil, où les Égyptiens ont introduit des norias qui arrosent, aujourd'hui encore, d'abondantes cultures maraîchères. La culture du coton, principal produit d'exportation, se pratique surtout dans la Gezireh, principale région agricole du Soudan. Située entre le Nil Bleu et le Nil Blanc, celle-ci se prête remarquablement à l'irrigation, que facilite une faible pente générale et le barrage de Sennar construit sur le Nil Bleu par les Britanniques. L'État contrôle le périmètre cotonnier de la Gezireh – où l'on pratique aussi, par rotation, des cultures vivrières (blé, fèves, sorgho) – dont la superficie fut étendue vers le sud, après l'indépendance, dans le cadre d'un plan d'aménagement (le Rahad Scheme) comportant la construction d'un second barrage sur le fleuve, en amont du premier, à Roseires. L'exploitation des nouvelles surfaces irriguées s'est cependant révélée décevante et les exportations de coton (dont celles du coton à fibres courtes en terrain non irrigué, dans le Kordofan) ont diminué. Le Soudan demeure un important producteur d'arachide (au 2e rang en Afrique après le Nigeria), mais les exportations ont décliné. Outre les dattes, l'alimentation de base de la population consiste en céréales, principalement le sorgho (la doura au Soudan), dont la production est soumise aux aléas climatiques. Enfin, le pays est le premier producteur mondial de gomme arabique, extraite des acacias de la savane, aux abords des déserts. Un grand projet de complexe sucrier, financé en partie par des capitaux arabes, prévoyait la création, à Kenana, au sud-ouest de la Gezireh, d'une vaste plantation de canne à sucre destinée à alimenter une sucrerie susceptible de produire un million de tonnes de sucre par an (ce dernier constituant un poste important des importations soudanaises). Malgré l'apport de Kenana, la production de sucre du pays ne croît que lentement.
Le cheptel soudanais est l'un des plus importants d'Afrique : 38 millions de bovins, 47 millions d'ovins, 42 millions de caprins et plus de 3 millions de chameaux.
3.2. Une industrie embryonnaire
Le Soudan est dépourvu de ressources minérales importantes (chromite près de Roseires, gypse au nord de Port-Soudan, cuivre dans le sud-ouest, vers Kafia Kingi). Les mines d'or situées sur les hauteurs qui bordent la mer Rouge, tant convoitées dans l'Antiquité avant d'être pratiquement abandonnées, ont connu à partir de 1993-1994 un regain d'intérêt consécutif au progrès des procédés de traitement de ce minerai métallique : elles ont produit 5 000 kg d'or en 2002.
Le pays est à peine industrialisé, sauf dans le secteur des textiles (plus d'une vingtaine d'usines textiles fonctionnent dans la Gezireh). Le pays dispose à Port-Soudan d'une raffinerie de pétrole (reliée à Khartoum par un pipeline) et d'une usine de pneumatiques, et à Khartoum, d'une fabrique d'engrais. On compte également deux cimenteries, dont l'une à Atbara. Le climat très chaud décourage le tourisme et un complexe hôtelier construit en bordure de la mer Rouge, en face de récifs coralliens, a périclité. Le Soudan dispose cependant d'un remarquable réseau ferré, datant de la colonisation britannique, dont la construction a été facilitée par la platitude dominante du relief et par un sol sableux où les voies ont pu être posées sans ballast. Ce réseau couvre surtout le nord du pays. Une ligne principale, passant par Khartoum, relie Ouadi-Halfa, au sud du lac Nasser, au Kordofan et au Darfour, et se prolonge vers le Soudan du Sud. Une autre ligne part de la capitale vers Port-Soudan.
3.3. Une dette accablante
La balance commerciale est largement déficitaire. Les exportations ne représentent que 2 % du P.I.B. Les pays de l'Union européenne sont les principaux partenaires commerciaux du Soudan. Le coût exorbitant de la guerre civile dans le Sud a fortement contribué à la détérioration de l'économie, malgré les investissements (Koweït en particulier).
3.4. Les difficultés
Près des trois quarts de la population adulte sont analphabètes. Les conflits meurtriers de l'ouest (au Darfour) et du sud, en partie religieux, ont durement éprouvé le pays, qui compte parmi les plus pauvres du monde. Les importants gisements pétroliers (2 milliards de barils de réserves estimés), qui permettaient des rentrées de devises, sont situés, depuis la partition du pays, dans le Soudan du Sud.
En 1821, Méhémet-Ali
lance au Soudan deux corps expéditionnaires commandés respectivement
par son fils Ismaïl Pacha et son gendre, le « daftardar ». Ismaïl Pacha
est brûlé vif par un roitelet local, Nimr, à Sennar, et le daftardar
déclenche une féroce répression. Méhémet-Ali entreprend ensuite de
mettre en place une administration, à partir de Khartoum, qui devient la
capitale, et de développer l'économie du pays. Les Égyptiens
introduisent la culture de la canne à sucre et des arbres fruitiers, et
relancent l'exploitation des mines d'or.
2. La population
De 1980 à 2005, la population du Soudan est passée de 18 à plus de 36 millions d'habitants. Le rythme d'accroissement annuel, toujours très soutenu, montre toutefois, depuis quelques années, des signes de ralentissement : d'une moyenne de 2,4 % par an entre 1985 et 1989, il est passé à 1,9 % en 2003. Le Soudan est le deuxième pays le plus vaste d'Afrique, mais sa densité moyenne est l'une des plus faibles du continent, avec 14 habitants par km2. Celle-ci, cependant, ne rend pas compte de l'inégale distribution de la population. Aux espaces quasiment vides des déserts de Libye et de Nubie s'opposent les fortes densités de la vallée du Nil, qui avoisinent parfois 200 habitants par km2.
Le Soudan est une mosaïque de peuples dont les
frontières, héritées de la colonisation, ne tiennent aucun compte des
réalités humaines. Il en est résulté un manque d'unité nationale.
Jusqu'à la partition de 2011, la population était divisée entre un Nord
musulman et un Sud qui se rattache à l'Afrique noire et dont les peuples
sont en partie christianisées. Cet antagonisme est à l'origine de la
guerre civile qui a déchiré le pays depuis les premières années de
l'indépendance du Soudan jusqu'à l'indépendance du Soudan du Sud. Les
conquérants arabes, venus d'Égypte, ont été suivis par plusieurs vagues
d'immigrants (dont des nomades bédouins). L'arabe et l'islam se sont
progressivement imposés dans tout le Nord, mais les populations locales
des régions montagneuses (Zaghawas à l'ouest, dans le Darfour, Bedjas au
nord-est, Nubas au centre) ont conservé leur identité culturelle.
La rébellion dans ce qui est devenu le Soudan du Sud
mais aussi les luttes intestines dans les pays voisins ont provoqué
d'importants déplacements de population. Environ 3 millions de réfugiés
se sont agglutinés, dans les années 1990, dans des bidonvilles autour de
la capitale, Khartoum, qui, avec la cité jumelle d'Omdurman, au
confluent du Nil Bleu et du Nil Blanc, compte 4,3 millions d'habitants.
Le taux d'urbanisation reste encore peu élevé. Port-Soudan, sur la mer
Rouge, est la seconde ville et le principal port du pays.
3. Une économie mal en point
La guerre civile dans le Sud et les changements de régime ont profondément détérioré l'économie du pays. Employant près de 80 % de la population active, l'agriculture et l'élevage fournissent 40 % du P.I.B. et 90 % des exportations. L'accroissement des besoins en bois (utilisé comme combustible domestique) et le surpâturage ont abouti à une dégradation du couvert végétal et ont favorisé l'érosion des sols. Des auréoles de désertification sont apparues autour de nombreux villages de la zone sahélienne, la plus fragile, notamment dans le Kordofan. En un demi-siècle, le désert a ainsi progressé de plus de 100 km vers le sud.3.1. Le déclin de l'agriculture
Les terres les plus fertiles se situent dans la vallée du Nil, où les Égyptiens ont introduit des norias qui arrosent, aujourd'hui encore, d'abondantes cultures maraîchères. La culture du coton, principal produit d'exportation, se pratique surtout dans la Gezireh, principale région agricole du Soudan. Située entre le Nil Bleu et le Nil Blanc, celle-ci se prête remarquablement à l'irrigation, que facilite une faible pente générale et le barrage de Sennar construit sur le Nil Bleu par les Britanniques. L'État contrôle le périmètre cotonnier de la Gezireh – où l'on pratique aussi, par rotation, des cultures vivrières (blé, fèves, sorgho) – dont la superficie fut étendue vers le sud, après l'indépendance, dans le cadre d'un plan d'aménagement (le Rahad Scheme) comportant la construction d'un second barrage sur le fleuve, en amont du premier, à Roseires. L'exploitation des nouvelles surfaces irriguées s'est cependant révélée décevante et les exportations de coton (dont celles du coton à fibres courtes en terrain non irrigué, dans le Kordofan) ont diminué. Le Soudan demeure un important producteur d'arachide (au 2e rang en Afrique après le Nigeria), mais les exportations ont décliné. Outre les dattes, l'alimentation de base de la population consiste en céréales, principalement le sorgho (la doura au Soudan), dont la production est soumise aux aléas climatiques. Enfin, le pays est le premier producteur mondial de gomme arabique, extraite des acacias de la savane, aux abords des déserts. Un grand projet de complexe sucrier, financé en partie par des capitaux arabes, prévoyait la création, à Kenana, au sud-ouest de la Gezireh, d'une vaste plantation de canne à sucre destinée à alimenter une sucrerie susceptible de produire un million de tonnes de sucre par an (ce dernier constituant un poste important des importations soudanaises). Malgré l'apport de Kenana, la production de sucre du pays ne croît que lentement.
Le cheptel soudanais est l'un des plus importants
d'Afrique : 38 millions de bovins, 47 millions d'ovins, 42 millions de
caprins et plus de 3 millions de chameaux.
3.2. Une industrie embryonnaire
Le Soudan est dépourvu de ressources minérales importantes (chromite près de Roseires, gypse au nord de Port-Soudan, cuivre dans le sud-ouest, vers Kafia Kingi). Les mines d'or situées sur les hauteurs qui bordent la mer Rouge, tant convoitées dans l'Antiquité avant d'être pratiquement abandonnées, ont connu à partir de 1993-1994 un regain d'intérêt consécutif au progrès des procédés de traitement de ce minerai métallique : elles ont produit 5 000 kg d'or en 2002.
Le pays est à peine industrialisé, sauf dans le
secteur des textiles (plus d'une vingtaine d'usines textiles
fonctionnent dans la Gezireh). Le pays dispose à Port-Soudan d'une
raffinerie de pétrole (reliée à Khartoum par un pipeline) et d'une usine
de pneumatiques, et à Khartoum, d'une fabrique d'engrais. On compte
également deux cimenteries, dont l'une à Atbara. Le climat très chaud
décourage le tourisme et un complexe hôtelier construit en bordure de la
mer Rouge, en face de récifs coralliens, a périclité. Le Soudan dispose
cependant d'un remarquable réseau ferré, datant de la colonisation
britannique, dont la construction a été facilitée par la platitude
dominante du relief et par un sol sableux où les voies ont pu être
posées sans ballast. Ce réseau couvre surtout le nord du pays. Une ligne
principale, passant par Khartoum, relie Ouadi-Halfa, au sud du lac
Nasser, au Kordofan et au Darfour, et se prolonge vers le Soudan du Sud.
Une autre ligne part de la capitale vers Port-Soudan.
3.3. Une dette accablante
La balance commerciale est largement déficitaire. Les exportations ne représentent que 2 % du P.I.B. Les pays de l'Union européenne sont les principaux partenaires commerciaux du Soudan. Le coût exorbitant de la guerre civile dans le Sud a fortement contribué à la détérioration de l'économie, malgré les investissements (Koweït en particulier).3.4. Les difficultés
Près des trois quarts de la population adulte sont analphabètes. Les conflits meurtriers de l'ouest (au Darfour) et du sud, en partie religieux, ont durement éprouvé le pays, qui compte parmi les plus pauvres du monde. Les importants gisements pétroliers (2 milliards de barils de réserves estimés), qui permettaient des rentrées de devises, sont situés, depuis la partition du pays, dans le Soudan du Sud.HISTOIRE
1. De l'Antiquité à l'islamisation
Depuis l'Antiquité, l'histoire du Soudan est étroitement mêlée à celle de l'Égypte.1.1. L'égyptianisation de la Nubie
Dès le IIe millénaire avant J.-C., des pharaons égyptiens entreprennent la conquête de la Nubie, le « pays de Koush » (correspondant à peu près au nord du Soudan actuel), et parviennent jusqu'à la quatrième cataracte du Nil. Cependant, vers 700 avant notre ère, le royaume koushite, mais égyptianisé, de Napata conquiert l'Égypte et s'étend jusqu'au delta du Nil. Cette dernière se défait de l'emprise des souverains koushites, qui se replient à Napata, puis, plus au sud, à Méroé.
Le royaume de Méroé subsistera sept siècles, jusqu'au ive siècle après J.-C.
1.2. L'islamisation progressive
Il est alors supplanté par l'Empire éthiopien d'Aksoum (ou Axoum), converti au christianisme à la même époque par des missionnaires de l'Empire byzantin. Subsistent trois petits royaumes soudanais du Nord, Nobatia, Aloa et Makouria, qui se convertissent eux aussi au christianisme avant de tomber l'un après l'autre au fil des siècles sous la domination arabe, qu'accompagne une forte immigration de Bédouins, puis sous celle du sultanat « noir » des Funj, islamisé, qui apparaît au xvie siècle, avec pour capitale Sennar, sur le Nil Bleu. Le sultanat funj s'étend jusqu'au Kordofan, avant de se désintégrer au xviiie s., époque où les sultans (musulmans) du Darfour annexent le Kordofan et établissent leur capitale à El-Fasher. L'autorité du Darfour est bientôt contestée par les tribus périphériques du royaume, et l'Égypte de Méhémet-Ali entreprend la conquête du Soudan. Seule la région méridionale du pays, la zone marécageuse du sadd, peuplée d'ethnies nilotiques, a jusque-là échappé à l'islamisation.2. La conquête égyptienne et la révolte du Mahdi
À la mort de Méhémet-Ali, en 1849, la situation commence à se dégrader, jusqu'à ce que le khédive Ismaïl,
petit-fils de Méhémet-Ali et intronisé en 1867, estime nécessaire de
faire appel à des Européens pour administrer le pays : notamment au
général britannique Charles Gordon, qui est nommé vice-roi, et à l'explorateur Samuel Baker,
qui reconnaît le Sud et annexe la province d'Equatoria (celle du Bahr
el-Ghazal le sera un peu plus tard). L'esclavage est aboli (au moins
théoriquement).
Cependant, la Grande-Bretagne et la France
contraignent en 1879 le khédive Ismaïl, qui a terriblement endetté son
pays, à abdiquer, et Londres installe au Caire un consul général, lord
Cromer, qui administre en fait l'Égypte et le Soudan.
En 1881, le Soudan se soulève contre la domination
britannique. La révolte est conduite par un érudit musulman, Muhammad
Ahmad ibn Abd Allah, qui prend le nom de Mahdi.
Il proclame la guerre sainte et sa volonté de purifier l'islam. Une
première expédition anglaise est défaite par les guerriers mahdistes,
les « derviches », et la Grande-Bretagne rappelle alors Gordon (qui
avait démissionné lors de l'abdication du khédive), lequel se laisse
enfermer dans Khartoum, où il est tué par les derviches en 1885. Le
Mahdi meurt six mois plus tard, mais son armée poursuit le combat et
occupe la quasi-totalité du Soudan. En 1898, le général britannique Kitchener défait les mahdistes devant Omdurman.
3. Du condominium à l'indépendance
3.1. L'affaire de Fachoda
En 1899, un traité anglo-égyptien instaure un condominium des deux pays sur le Soudan, dont lord Kitchener est nommé gouverneur général. C'est lui qui contraint la colonne du capitaine français Marchand, parvenu à Fachoda, à rebrousser chemin, incident majeur de la rivalité franco-britannique en Afrique. Kitchener et son successeur, lord Wingate, s'attachent au développement économique du pays, où sont construites les premières lignes de chemin de fer.
Le réveil du nationalisme arabe après la Première Guerre mondiale
bouleverse les relations anglo-égyptiennes. Après l'assassinat en 1924
du gouverneur général du Soudan en visite au Caire, la Grande-Bretagne
met fin au condominium et administre seule le pays. La mise en valeur du
Soudan se poursuit avec l'irrigation du périmètre cotonnier de la Gezireh. En 1936, l'Égypte devient indépendante, et le condominium est rétabli.
3.2. De l'autonomie à l'indépendance : le début de la rébellion sudiste
Après la Seconde Guerre mondiale, le Soudan obtient l'autonomie, et deux partis politiques s'organisent : l'Umma – hostile à l'union avec l'Égypte –, qui se réclame du Mahdi et s'appuie sur la confrérie des Ansar, et le parti national unioniste (NUP) rassemblant les « unionistes » favorables, à l'Égypte, dirigé par Ali al-Mirghani et soutenu par la confrérie des Khatmiyya. En 1956, le Soudan accède à l'indépendance, alors que le Sud du pays, animiste et chrétien (que la Grande-Bretagne avait voulu un moment rattacher à l'Ouganda), commence à se rebeller contre l'autorité de Khartoum.
L'Assemblée nationale se révèle ingouvernable, et, en 1958, le général Ibrahim Abbud
prend le pouvoir et dissout les partis politiques, tandis que la
résistance du Sud s'organise, avec la création d'un Front de libération
pourvu d'une branche militaire, l'Anya-Nya. La vie politique du Soudan
va dès lors être marquée par une alternance entre pouvoir civil et
dictatures militaires, et par la poursuite intermittente de la rébellion
sudiste.
4. Le régime présidentiel du général Nimayri et la paix avec le Sud
4.1. L'alliance avec les communistes
En 1964, le général Abbud se retire et rétablit la démocratie parlementaire. Plusieurs gouvernements de coalition se succèdent jusqu'en 1969, année où le général Djafar al-Nimayri prend le pouvoir. Celui-ci bénéficie du soutien du parti communiste (relativement important au Soudan) et de l'URSS, ce qui lui vaut l'hostilité des Frères musulmans et des mahdistes de l'Umma. En 1970, il écrase dans le sang une révolte des mahdistes dans l'île d'Aba, sur le Nil Blanc. Allié à l'Égypte et à la Libye par la charte de Tripoli (1969), le Soudan ne rejoint pas, en 1971, l'Union (éphémère) des Républiques arabes (Égypte, Libye, Syrie), afin de ne pas compromettre les perspectives d'accord avec le Sud. Ayant échappé en juillet 1971 à un coup d'État communiste grâce à l'aide de la Libye, le général renvoie les experts soviétiques. L'Union socialiste soudanaise, formation politique du chef de l'État, est proclamée parti unique, tandis qu'un référendum plébiscite le général Nimayri comme président de la République en octobre 1971.4.2. La fin de la rébellion sudiste
Les pourparlers avec la rébellion sudiste – soutenue par l'Éthiopie et Israël – finissent par aboutir le 27 mars 1972 aux accords d'Addis-Abeba : une large autonomie est accordée au Sud avec une assemblée régionale représentant les trois provinces méridionales. L'Éthiopie obtient par ailleurs que le Soudan suspende son aide au Front de libération de l'Érythrée, qui se bat contre le régime impérial éthiopien.
Nimayri se rapproche des États-Unis et de l'Égypte (il soutient les accords israélo-égyptiens de Camp David),
et permet le retour des opposants en exil. Il aide également Israël à
organiser un pont aérien pour amener secrètement d'Éthiopie les Juifs
noirs Falachas, ce qui lui vaut la réprobation de la Ligue arabe.
5. La reprise de la guerre avec le Sud et la chute de Nimayri
À la suite de la découverte d'importants gisements pétroliers dans le Sud en 1980, le général-président abroge unilatéralement les accords d'Addis-Abeba et décide, début 1983, de redistribuer le Sud en trois provinces séparées. Dépossédés de tout contrôle sur les ressources de leur territoire, les Sudistes reprennent aussitôt leur rébellion en créant le Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM), dirigé par un officier chrétien, le colonel John Garang, soutenu par l'Éthiopie.
Cherchant à raffermir sa légitimité, Djafar al-Nimayri fait appel aux Frères musulmans de Hassan al-Tourabi et, en contrepartie, impose la charia ainsi que des peines corporelles outrageantes (lois de septembre 1983).
En 1985, alors que la situation économique du pays
s'est considérablement aggravée, que la réprobation du régime de Nimayri
est unanime, ce dernier est renversé par un coup d'État conduit par le
général Sawwar al-Dhahab, qui rétablit la démocratie parlementaire. Aux
élections de 1986, l'Umma des mahdistes arrive en tête, devant les
« unionistes » et les intégristes du Front national islamique (NIF) de
H. al-Tourabi, qui rassemble les Frères musulmans. Sadiq al-Mahdi,
descendant direct du Mahdi,
devient Premier ministre. Cependant, les négociations qu'il engage avec
John Garang échouent, et, le juin 1989, les militaires reprennent le
pouvoir.
6. Le régime dictatorial d'Omar Hassan al-Béchir et l'isolement du Soudan
Le général al-Béchir s'appuie sur le Front national islamique de Hassan al-Tourabi. Une union sans lendemain est proclamée en 1990 avec la Libye – qui fournit du pétrole – et, en 1992, l'armée lance, avec l'assistance de la Libye et de l'Iran, une offensive sans résultat contre les rebelles du Sud. Une série de négociations s'engage alors avec ceux-ci à partir de 1993, d'abord à Abuja, au Nigeria, puis à Nairobi, sous l'égide de l'Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), qui groupe sept pays de la Corne de l'Afrique, dont le Soudan. Aucune n'aboutit, malgré la médiation de l'ex-président américain Jimmy Carter, qui n'obtiendra, en 1995, qu'un cessez-le-feu de deux mois.
L'Armée populaire de libération du Soudan (SPLA) de
John Garang (branche armée du SPLM) bénéficie du soutien des États-Unis
et de l'Ouganda – alors que le Soudan, en représailles, appuie en
Ouganda la rébellion de la Lord Resistance Army (LRA, Armée de
résistance du Seigneur), en lutte contre le régime du président
ougandais Yoweri Museveni.
Le refus du Soudan de condamner l'invasion irakienne du Koweït en 1990 (→ guerre du Golfe)
entraîne une dégradation de ses relations avec les pays du Golfe et lui
aliène l'aide occidentale. En 1994, il permet l'arrestation par les
services secrets français du terroriste vénézuélien Illitch Ramirez
Sanchez, alias Carlos, et son exfiltration en France, mais son refus de
livrer à l'Égypte les auteurs d'un attentat manqué contre le président
égyptien Hosni Moubarak à Addis-Abeba en juin 1995 lors du sommet de l'Organisation de l'unité africaine (OUA),
contribue à accroître son isolement. Ses relations s'enveniment avec
l'Éthiopie et l'Érythrée, accusées de soutenir l'opposition en exil : en
1996, les dirigeants de l'opposition – notamment S. al-Mahdi l'ancien
Premier ministre, et Muhammad Uthman al-Mirghani, du parti unioniste
démocratique – trouvent asile à Asmara, où ils forment l'Alliance
nationale démocratique et ouvrent un second front contre Khartoum, en
accord avec le colonel John Garang. En 1997, les États-Unis décrètent un
embargo économique total contre le Soudan, en représailles à son
soutien présumé au terrorisme international. Enfin, de graves violations
des droits de l'homme sont dénoncées par les organisations
humanitaires.
7. La reconnaissance du droit du Sud à l'autodétermination
À l'issue des élections législatives et présidentielle de mars 1996, boycottées par l'opposition, le général al-Béchir est élu président. Le Front national islamique de Hassan al-Tourabi – qui devient président du Parlement – maintient son emprise sur le régime. La situation économique du pays, lourdement grevé par sa dette extérieure, continue de se détériorer. En mai 1998, après avoir mené des négociations avec le SPLM à Nairobi, Khartoum se résout à reconnaître le droit du peuple du Sud soudanais à l'autodétermination. L'accord prévoit une période intérimaire, dont la durée sera fixée entre les parties sous l'égide de l'IGAD et à l'issue de laquelle la question de l'indépendance du Sud sera tranchée par référendum. Toutefois, l'application de la charia n'est pas tranchée et, malgré une série de cessez-le-feu, signés en 1998 et en 1999 afin de faciliter l'acheminement de l'aide aux populations du Sud menacées de famine, la guerre continue.8. Début d'une normalisation et éviction de Hassan al-Tourabi
Le Soudan se réconcilie avec ses voisins – Éthiopie, Égypte, Érythrée – dans l'espoir qu'ils cesseront d'apporter leur soutien logistique et politique à ses opposants et qu'ils useront de leur influence auprès de l'Armée populaire de libération du Soudan (SPLA) pour qu'elle trouve un terrain d'entente avec Khartoum. De la même manière, il s'engage avec l'Ouganda à ne plus soutenir leur mouvement de rébellion respectif.
Sur le plan intérieur, la rivalité croissante qui
oppose les alliés d'hier – le général-président al-Béchir et le
président du Parlement et secrétaire général du Congrès national
(ex-Front national islamique), Hassan al-Tourabi – conduit à une crise
politique. Pour mettre fin à la dualité du pouvoir au sein des
institutions de l'État, et surtout pour contrer la montée en puissance
de son rival, le général-président dissout le Parlement, décrète l'état
d'urgence et autorise à nouveau l'activité des partis (interdite depuis
1989). Les membres du gouvernement démissionnent, suivant ainsi les
recommandations du Congrès national, qui laisse les mains libres au chef
de l'État ; ce dernier forme, en janvier 2000, un nouveau cabinet,
tandis que – selon les termes du compromis trouvé –, Hassan al-Tourabi
demeure l'idéologue du Congrès national jusqu'en juin 2000 (époque à
laquelle, démis de sa fonction de secrétaire général, il crée son propre
parti, le Congrès national du peuple).
Aux élections de décembre 2000, boycottées par la
plupart des partis d'opposition, les résultats sont sans surprise :
al-Béchir est réélu à la présidence pour un deuxième mandat (86,5 %),
tandis que le Congrès national, au pouvoir, remporte la quasi-totalité
des sièges au Parlement. L'état d'urgence est prorogé pour une année
supplémentaire. Soupçonné de vouloir s'emparer du pouvoir et neutralisé
par le président, Hassan al-Tourabi rejoint l'opposition ; en février
2001, il est arrêté pour avoir signé un « mémorandum d'entente » avec
les rebelles sudistes du SPLM, puis placé en résidence surveillée.
Inquiet d'une possible intervention militaire et
désireux de sortir son isolement, le Soudan s'engage à coopérer avec les
États-Unis dans la lutte antiterroriste et condamne les attentats du 11 septembre 2001.
Après plusieurs tentatives restées infructueuses dans les années 1990,
le régime islamiste accepte de négocier avec l'Armée populaire de
libération du Soudan (SPLA) du colonel John Garang.
9. Le processus de paix au Sud
9.1. Le temps des négociations
À l'issue de négociations menées sous l'égide de la Suisse et des États-Unis, le gouvernement soudanais et la branche nuba de l'Armée populaire de libération du Soudan (SPLA) signent, le 19 janvier 2002, un accord de cessez-le-feu historique pour une période renouvelable de six mois. Grâce au maintien de la trêve, un projet à long terme d'assistance et de réhabilitation s'amorce alors dans les monts Nuba, offrant un puissant argument en faveur de la paix dans d'autres régions du pays.
Menées depuis la fin juin 2002 à Machakos (Kenya)
sous l'égide de l'IGAD, des négociations entre le Nord arabo-musulman et
le Sud chrétien et animiste aboutissent, le 20 juillet, à la signature
d'un premier protocole d'accord, qui lève deux points litigieux du
conflit : le premier porte sur l'octroi de l'autonomie à la partie
méridionale du pays pour une période transitoire de six ans, au terme de
laquelle les Sudistes se prononceront par référendum sur le maintien ou
non de l'unité au Soudan ; le second point concerne la non-application
de la charia à la partie Sud.
Autres signes encourageants, la rencontre, le
27 juillet, entre le président al-Béchir et le chef du SPLM/SPLA, John
Garang, suivie, en août, du retour au multipartisme et de l'annonce d'un
cessez-le-feu sur tous les fronts. Dans le cadre des négociations
inter-soudanaises qui se poursuivent au Kenya, Khartoum fait libérer, en
octobre 2003, tous les prisonniers politiques du pays, y compris
l'opposant Hassan al-Tourabi (ce dernier, toutefois, sera de nouveau
arrêté en mars 2004, après avoir été accusé de participation à une
tentative de coup d'État, puis libéré le 30 juin 2005). Peu de temps
après, survient la « réconciliation » avec le chef du parti unioniste
démocratique et de l'Alliance nationale démocratique, M. U. al-Mirghani,
dernière figure de l'opposition nordiste à vivre en exil.
L'année 2004 voit la conclusion, en janvier, d'un
accord sur le partage du pactole pétrolier – l'une des pierres
d'achoppement entre le gouvernement et le SPLM – puis en mai, d'un
accord sur le statut des monts Nuba, du Nil Bleu occidental et de
l'Abyei – régions qui, bien qu'ayant des populations négro-africaines à
majorité chrétienne, ont été attribuées au Nord lors de l'accord de paix
de 1972 et sont revendiquées depuis par le Sud.
9.2. L'accord de paix global du 9 janvier 2005
Un accord de paix global – incluant tous les protocoles négociés depuis 2002 – est signé à Nairobi le 9 janvier 2005 par le vice-président soudanais Ali Osman Taha et le chef du SPLM/SPLA, le colonel John Garang, en présence d'une vingtaine de chefs d'État et de gouvernements africains.
D'ampleur historique, l'accord marque la résolution
d'une guerre civile de 21 ans, responsable d'au moins 2 millions de
morts et du déplacement de 4,6 millions de Soudanais. Il prévoit la mise
en place d'un État fédéral pour une période transitoire de six ans,
sanctionnée, après la tenue d’élections générales, par un référendum
d'autodétermination dans la moitié sud du pays en 2011 ainsi qu'un
partage équitable des richesses (50 % des recettes pétrolières du Sud
seront reversées au gouvernement autonome du Sud).
La province d'Abyei, riche en gisements pétrolifères
et revendiquée par les deux parties, reste cependant un sujet de litige.
En vertu de la nouvelle Constitution intérimaire entrée en vigueur le
9 juillet 2005, le Sud dispose de ses propres gouvernement et Parlement,
dont 70 % des postes et sièges sont réservés au SPLM de J. Garang.
L'opposant Hassan al-Tourabi est libéré le 30 juin.
John Garang, l'ex-rebelle sudiste, est nommé vice-président du Soudan.
Sa disparition, survenue le 30 juillet 2005 dans un accident
d'hélicoptère, fragilise le processus de paix en provoquant dans les
principales villes du Sud par une violente réaction populaire contre
populations originaires du Nord. Le général Salva Kiir Mayardit, numéro
deux du SPLM/SPLA et compagnon de la première heure de John Garang, le
remplace à la tête du SPLM et au poste de premier vice-président.
En septembre, pour la première fois de son histoire,
le Soudan se dote d'un gouvernement d'union nationale au sein duquel le
SPLM, reconverti en parti politique, occupe 28 % des fauteuils (52 %
allant au parti du Congrès national (NCP) du général U. al-Béchir, 14 % à
l'opposition du Nord et 6 % à celle du Sud), tandis qu’est constitué,
le mois suivant, le Gouvernement du Sud Soudan (GoSS).
La situation reste cependant tendue et la
participation du SPLM au gouvernement central est suspendue en
octobre-décembre 2007, tandis qu’en mai 2008, de violents affrontements
dans la région frontalière d'Abyei font une centaine de morts.
En juillet 2009, la Cour permanente d'arbitrage de La
Haye redécoupe finalement les frontières de cette province, en
réduisant son périmètre, ce qui en exclut les gisements de pétrole dont
l’attribution oppose par ailleurs les deux parties qui s’engagent
pourtant à respecter la décision. La situation dans cette zone où des
enjeux économiques se superposent à des conflits interethniques liés à
l’accès à l’eau et à la terre, reste cependant explosive.
10. La crise du Darfour : un conflit régional
Les pourparlers de paix entre le Nord arabo-musulman et le Sud chrétien et animiste ont cependant éclipsé un autre conflit, qui, depuis février 2003, ensanglante le Darfour, région fertile située au nord-ouest du Soudan. Peuplée de musulmans « non arabes » – tels que se définissent les agriculteurs sédentaires d'ethnies four, massalit et zaghawa – et de tribus nomades arabisées, la province est depuis deux décennies le théâtre de conflits entre agriculteurs africains et pasteurs arabes, réglant leurs querelles à l'arme blanche ou nouant des alliances fluctuantes au gré de leurs intérêts.
Mais, l'explosion démographique, l'avancée du
désert – rendant toujours plus âpre la compétition pour l'eau et
l'espace –, l'accumulation d'armes automatiques et, enfin, à partir de
1985, le soutien actif du régime de Khartoum qui arme les nomades, ont
exacerbé les conflits. Un mouvement armé, le Front de libération du
Darfour ( fondé en 1992 par Abdel Wahid al-Nour, s'élargit en février
2003 aux autres combattants massalit et zaghawa et devient l'Armée de
libération du Soudan (SLA). Il entre en rébellion ouverte contre les
forces gouvernementales.
Un autre mouvement rebelle dirigé par Khalil Ibrahim
– le Mouvement pour la justice et l'égalité (JEM) –, apparaît dans les
mois suivants. Tous deux bénéficient du soutien militaire du Tchad pour
des raisons à la fois historiques et claniques : Idriss Déby, un Zaghawa, s'est lui-même lancé à la conquête du pouvoir en 1990, depuis le Darfour.
La SLA et le JEM tiennent en échec l'armée
soudanaise, jusqu'à ce que Khartoum, ayant alors recours à une méthode
éprouvée dans le Sud, mobilise, arme et appuie des milices locales
d'ethnie arabe (surnommées Djandjawids, « cavaliers armés »),
pour séparer les rebelles de la population. À la suite de très
nombreuses exactions perpétrées par les milices, le conflit dégénère en
catastrophe humanitaire, face à laquelle la communauté internationale
demeure longtemps indifférente et incapable de s'unir pour prendre des
sanctions à l'encontre du régime de Khartoum.
Un accord de cessez-le feu conclu en avril 2004 à
N'Djamena grâce à une médiation tchadienne est constamment violé depuis,
en dépit du déploiement dans la région d'une force de maintien de la
paix de l'Union africaine (AMIS) chargée d'en surveiller l'application.
Les mesures votées par le Conseil de sécurité de l'ONU tout au long de
l'année 2004 pour inciter le régime islamiste à ramener la sécurité au
Darfour et à y faciliter l'accès humanitaire (résolution 1556 du
30 juillet), l'institution d'une Commission d'enquête internationale sur
les violations des droits de l'homme et du droit humanitaire
(résolution 1564 du 18 septembre) et les menaces réitérées de sanctions
(résolution 1574 des 18-19 novembre), restent vaines et ne peuvent
empêcher l'intensification les combats.
Des négociations de paix ouvertes en novembre 2004 à
Abuja sous la pression internationale aboutissent, après sept cycles de
pourparlers, à un accord global signé en mai 2006 entre le gouvernement
soudanais et la faction rebelle de Minni Minawi qui a fait scission au
sein du mouvement d’Abdel Wahid. Mais l'accord ne connaît aucune
application : outre la reprise des affrontements entre factions
rebelles, la situation est aggravée par la guerre de plus en plus
intense que se livrent le Soudan et le Tchad par milices interposées et
qui commence à déstabiliser la République centrafricaine.
Jusqu'à la mi-2007, le Soudan s'oppose à la tentative
du Conseil de sécurité de l'ONU d'envoyer des Casques bleus pour
prendre la relève de l'AMIS déployée depuis 2004. Khartoum y voit une
menace pour plusieurs de ses responsables impliqués dans des crimes
contre l'humanité et dont les noms ont été transmis par l'ONU à la Cour pénale internationale (CPI), saisie en mars 2005.
Le 31 juillet 2007, un compromis est finalement
trouvé : Khartoum accepte le déploiement d'une mission hybride
regroupant 26 000 soldats des Nations unies et de l'Union africaine
(MINUAD) pour prendre la relève de l'AMIS. Des négociations entre le
gouvernement soudanais et les mouvements rebelles du Darfour débutent le
27 octobre, à Syrte, sous l'égide de l'ONU et de l'Union africaine. En
dépit de nombreux accords de non-agression, le Tchad accuse le Soudan
d'appuyer activement la rébellion tchadienne du Front uni pour le
changement démocratique (FUC), tandis que Khartoum suspecte N'djamena
d'apporter son soutien au JEM.
Les tensions entre les deux pays culminent en
janvier-février 2008 avec l'offensive des rebelles tchadiens jusqu'à
N'Djamena et en mai 2008 avec l'attaque de la banlieue de Khartoum par
les rebelles du JEM. Elles aboutissent à la rupture de leurs relations
diplomatiques. Sous la pression de la Libye, du Sénégal et de
l'Érythrée, les deux États acceptent de les rétablir en novembre 2008.
En septembre 2008, l'armée soudanaise lance une nouvelle offensive
contre les différents mouvements rebelles au Darfour, y compris le SLM/A
de Minni Minawi.
11. Les perspectives de paix et l’inculpation d'al-Béchir
Le 17 février 2009, avec la médiation du Qatar, des Nations unies, de l'Union africaine et de la Ligue arabe, le gouvernement soudanais et le groupe rebelle le plus actif du Darfour, le Mouvement pour la justice et l'égalité (JEM), signent à Doha un accord pour une cessation des hostilités, une « déclaration d'intention » qui doit ouvrir la voie à un accord-cadre en vue d'une conférence de paix.
Finalement inculpé par la CPI de crimes de guerre et
contre l’humanité (mars 2009), de génocide au Darfour (juillet 2010),
al-Béchir conserve le soutien de la Ligue arabe et de l'Union africaine,
tandis qu’en représailles, il ordonne l'expulsion de 13 des plus
importantes ONG étrangères présentes dans la région.
À partir du mois d'octobre, confrontés chacun aux
échéances électorales annoncées pour 2010 et 2011, les présidents
soudanais et tchadien décident de normaliser leurs relations en cessant
mutuellement de soutenir leurs rébellions respectives et en signant un
accord sur la sécurisation des frontières, un pacte de non agression
confirmé lors d’une visite d’Idriss Déby
à Khartoum le 8 février 2010 et qui intervient alors que les
discussions entre la rébellion et le gouvernement, débouchent, le
24 février, sur un accord de cessez-le-feu avec le JEM. Toutefois,
l’accord politique global est reporté, tandis qu'al-Béchir sort
largement vainqueur, en avril, des premières élections générales
« pluralistes » depuis 1986.
Après le retrait des deux seuls candidats (du SPLM et
du parti Umma) susceptibles de le concurrencer, il remporte ainsi plus
de 68 % des voix à l’issue d’une élection présidentielle marquée par de
nombreuses irrégularités. Dans le Sud, qui doit se prononcer sur son
autodétermination en janvier 2011, le président sortant de la région
semi-autonome, Salva Kiir, est reconduit au pouvoir avec près de 93 %
des voix après un scrutin également contesté par une fraction dissidente
du SPLM, ce dernier l’emportant massivement dans l’Assemblée
législative.
Prévu par les accords de paix de janvier 2005, le
référendum d’autodétermination se déroule entre le 9 et le 15 janvier
2011. Près de 99 % des électeurs se prononcent en faveur de l’accession à
l’indépendance de cette partie du pays à majorité animiste et
chrétienne. Conduit par Salva Kiir, ce processus – que le président
al-Béchir s’est engagé à respecter – conduit à la création du nouvel
État le 9 juillet.
12. La permanence des tensions et la contestation interne
Moins d’un an après l’indépendance du Soudan du Sud, de sérieuses tensions renaissent dans les régions frontalières entre les deux pays au point de faire craindre la reprise de la guerre civile. Les deux États s’accusent mutuellement de soutenir les mouvements rebelles et d’entretenir les conflits interethniques dans leurs territoires respectifs. Le Soudan exige notamment de son voisin qu’il cesse de soutenir la branche nordiste du SPLM, une accusation rejetée par Djouba.
En toile de fond figure le contentieux sur
l’exploitation du pétrole dont le Soudan du Sud a hérité de la plus
grande partie des gisements mais qui dépend pour le moment des
infrastructures et des installations du Nord pour son acheminement et
son raffinage. Khartoum imposant des tarifs (transit, transport et
transformation) jugés exorbitants et détournant à son profit une partie
du combustible, la production est interrompue en janvier entraînant une
grave détérioration de la situation économique dans les deux pays.
Alors que chaque État rejette sur l’autre la
responsabilité de la reprise des hostilités, ce désaccord conduit en
avril 2012 à la prise des champs pétrolifères d’Heglig (rattachés par la
Cour permanente d’arbitrage de La Haye à l’État soudanais du Kordofan
méridional) par l’armée sud-soudanaise. Cette dernière doit finalement
se retirer sous la pression de la communauté internationale et à la
suite de représailles menées par l’armée de l’air soudanaise.
Avec la médiation d’une mission de l’Union africaine conduite par l'ex-président sud-africain Thabo Mbeki,
Khartoum et Djouba acceptent de rouvrir des négociations qui débouchent
sur huit accords signés à Addis Abeba en septembre. Parmi ceux-ci,
l’accord sur le pétrole prévoit notamment une diminution conséquente des
tarifs imposés par le Soudan et la reprise de la production. Les deux
États s’engagent également à régler leur différend frontalier dans le
respect des droits des communautés locales et des éleveurs transhumants.
Une nouvelle rencontre au sommet entre al-Béchir et Salva Kiir a lieu
en janvier 2013, en vue de l’application effective de ces accords dont
la création le long de la frontière contestée d’une zone tampon
démilitarisée, mais le statut de la région disputée d’Abyei reste
toujours en suspens.
Ces tensions économiques et territoriales
sont aggravées par la mobilisation des oppositions au pouvoir
d’al-Béchir : en juillet 2012, la coalition des « Forces du Consensus
national » (NCF), qui rassemble notamment le parti national Umma (NUP)
de S. al-Mahdi, le Congrès populaire de H. al-Tourabi et le parti
communiste soudanais, adopte une « charte de l’alternance
démocratique ». De leur côté, les différents mouvements rebelles – JEM
désormais dirigé par Gibril Ibrahim, SLM/A d’Abdel Wahid, SLM/A de Minni
Minawi, SPLM-Nord de Yassir Arman – se rassemblent dans le Front
révolutionnaire du Soudan (SRF) en novembre 2011 et adoptent un
programme politique dans la perspective d’un renversement du régime. En
janvier 2013, ces deux coalitions se rapprochent et signent à Kampala un projet commun, auquel se joignent d’autres mouvements civils, en vue du rétablissement de la démocratie.
capital monde,
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